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Symphonie en blanc

Christian Penning, vendredi, 29. décembre 2023

Des arêtes sauvages et des bosses blanches et douces. Des montées épiques et des descentes fulgurantes dans la poudreuse. Davos Klosters et le Prättigau sont mondialement connus pour leurs domaines skiables. Mais ils offrent encore un potentiel incroyable à qui chaussera ses ski de randonnée.

Une symphonie – des images devenues sonores, plusieurs mouvements, des scènes touchantes, des émotions qui jouent les montagnes russes. Comme ce week-end prolongé de randonnée dans les Grisons. Une symphonie en blanc. L'arrivée se fait par Davos, la ville la plus haute d'Europe – une station de ski animée, entourée de montagnes, de téléphériques et de gros spots de freeride.

Monstein n'est qu'à un saut de puce. Juste après le hameau davosien de Glaris et le domaine skiable du Rinerhorn, une petite route de montagne serpente à travers la forêt jusqu'au village historique des Walser. Des maisons rustiques en bois, tannées par le soleil, une petite église trapue à l'orée de la forêt. Le temps semble s'être arrêté. Au bout de la rue du village, Anna et Jürg collent les peaux, chaussent leurs skis.


La première montée commence par un andante modéré, ponctué d'un « Ccchhhrr, ccchhhhrr ! » éraillé. Le frottement des peaux sur le sol dur et gelé donne le rythme. Ce matin-là, il fait encore froid et on progresse à l’ombre. De petits nuages de vapeur s'échappent des poumons.

Après trois cents mètres de dénivelé à peine, on atteint Oberalp – un ensemble de chalets d'alpage rustiques. En hiver, ils sont déserts. Les bonnets de neige sur leurs toits ressemblent à des couvertures sous lesquelles ils se sont mis à l'aise. Continuons ! Au-delà des 2000 mètres, Jürg et Anna laissent les derniers mélèzes derrière eux. Un vaste haut vallon s'ouvre comme une salle de concert alpine.


Journée de rêve et surprise désagréable

Où que l’on regarde, on ne voit que des sommets. À droite, à gauche, tout droit. Le soleil brille. « Wow », s'enthousiasme Anna, « qui n'a pas le coeur à l'ouvrage en voyant ça ... ? » Depuis longtemps, elle a trouvé son rythme et savoure la montée. « Aller à son propre rythme est la clé pour des randonnées à ski agréables », sait-elle en tant que randonneuse expérimentée. « Ne te laisse pas presser, tu profiteras mieux de la course ». Jürg aussi avance à un rythme détendu. Pour économiser ses forces, il a opté pour des skis de randonnée légers.


Près de l'Alp Fanezmeder, de douces bosses s'élancent comme des vagues sous les falaises du Chrachenhorn (2891 m). « De la poudreuse de meilleure qualité ... », sourit Jürg en balançant vivement son bâton de ski dans la neige, faisant virevolter dans l'air un panache de cristaux scintillants. « ... Trop bonne pour manquer l'occasion ». Spontanément, Jürg et Anna décrivent une boucle pour gravir une bosse à côté de l'itinéraire de montée. Dépeauter, et c'est parti ! La neige se soulève et forme de gros nuages. Difficile d’imaginer des meilleures conditions.

Jürg entame son dernier virage avant de retrouver l'itinéraire de montée. Bamm ! D'un seul coup, il disparaît dans un nuage de poussière. « Qu'est-ce que c'était ? » s'étonne-t-il en tentant de se relever de la neige. L'un de ses skis s'est subitement enfoncé dans un trou derrière un rocher à peine recouvert de neige. Ce n'est que maintenant que Jürg réalise la mauvaise surprise. Lorsqu'il parvient à extraire le ski de la neige, la moitié du ski pendouille, comme un drapeau. Rupture du ski !

Alors que Jürg s’élance dans la vallée sur un seul ski pour aller chercher une paire de skis de rechange dans la voiture, Anna et moi continuons la montée par le Bärentälli, côté sud. Ici, la neige s'est bien tassée et le danger d'avalanche est faible. Nous avons l’intention de retrouver Jürg plus tard, en dessous du sommet de l'Älplihorn.


Des sommets et de la poudreuse à perte de vue

Presque aucun souffle n’est perceptible ce jour-là. Idéal pour savourer pleinement, deux heures plus tard, la pause au sommet avec vue sur une infinité de sommets autour de l'Albula, de Bergün et de la Silvretta. « La face ouest, plus raide, a de la bonne poudreuse", nous informe Jürg un peu plus tard. Pendant la montée, il a inspecté l'itinéraire de descente avec ses jumelles.


Un peu en dessous du sommet, nous retrouvons Jürg. Il n'a pas besoin de convaincre Anna longuement de son plan. Le bulletin d’avalanche donne également le feu vert : degré deux. Néanmoins, Jürg et Anna vérifient encore une fois la qualité de la neige à l'entrée de la première pente. C'est bon ! À la dernière chute de neige, il n'y avait pratiquement pas de vent. Le danger d’avalanche de plaque de neige est faible.

Et c'est ainsi qu'avec un choix de ligne réfléchi, les virages deviennent un allegro enivrant dans une poudreuse tourbillonnante. Quelques virages en neige de printemps près du fond de vallée mettent fin à cette descente incroyable. Des raccards traditionnels bordent le village de Monstein. Comme dans les vallées de Saas Fee ou de Zermatt, ils reposent sur des piles surmontées d'imposantes pierres rondes en granit servant à protéger des rongeurs.

Les premiers colons de Monstein étaient valaisans et ont apporté avec eux leurs astuces de construction alpine. Mais l'époque où l'économie alpestre et la mine du Silberberg assuraient la subsistance des habitants de Monstein est révolue depuis longtemps. Aujourd'hui, Monstein est un camp de base idyllique pour les adeptes de randonnées hivernales et randonnées à skis – sans remontées mécaniques. Et avec un type d'après-ski très particulier.


La brasserie Biervision Monstein AG est installée dans l'ancienne fromagerie. Lors de son lancement en 2001, elle était considérée comme la brasserie la plus haute de Suisse, à 1620 mètres. À l'ère des micro-brasseries ce superlatif est certes vacillant, mais la brasserie du village vaut tout de même le détour.

Avec leurs fines créations le maître brasseur Sebastian Degen et le brasseur Marcel Schneider s’opposent, tels deux irréductibles Gaulois, aux puissantes multinationales de la bière : la blonde « Huusbier », la blanche « Mungga », la brune « Gemsli » ou encore celle au blé « Schneehas ». Une conclusion en apothéose du premier mouvement de notre symphonie.


Fideriser Heuberge – petit, mais exquis

Deuxième jour, deuxième mouvement. La symphonie de la randonnée résonne aujourd'hui dans des tons doux. Les montagnes sont un peu moins hautes, les sommets moins abrupts. Une navette vrombit de Fideris, dans le Prättigau, vers les Fideriser Heuberge. Le chauffeur du bus s'arrête régulièrement en cours de route. Car la route d'accès est aussi la plus longue piste de luge de Suisse – douze kilomètres sur 1100 mètres de dénivelé.


Le petit domaine skiable familial des Fideriser Heuberge se situe dans une vallée à l'enneigement sûr puisque le départ des installations est à presque 2000 mètres d'altitude. Un point de départ idéal pour des randonnées à ski plaisir. Dans le concert des innombrables raccards se trouvent ici trois auberges de montagne. Les adeptes des sports de neige ont le choix entre chalets et chambres à deux ou quatre lits. Une bonne chose si l'on n'a pas envie de partager les nuits avec des ronfleurs dans le dortoir d'une cabane.

Mais le soleil est encore haut dans le ciel. Une arbalète réduit le temps de montée au Chistenstein (2474 m) à environ une heure. Avant le sommet, la charmante symphonie hivernale offre un bref intermède plus dramatique.

Anna et Jürg accrochent les skis à leurs sacs à dos. « C'est plus facile comme ça », dit Jürg. Les derniers mètres de l'arête sommitale raide sont parcourus à pied, les skis sur le dos. C'est le moment de faire un interlude allegro : de vastes pentes de poudreuse, des couloirs pentus – la descente se transforme en un appassionato passionné. Le soir, autour d'un verre de Merlot, Anna et Jürg en parlent encore avec enthousiasme, tout comme de la descente poudreuse du versant nord de l'Arflinafurgga.


Petite montée, et final en grande pompe

Troisième mouvement – toutes les bonnes choses vont par trois ! Pour finir en beauté, Jürg a concocté une surprise particulière pour le dernier jour. Une descente accessible avec un minimum de montée pour un maximum de plaisir. Il n'y a que 400 mètres de dénivelé entre l’auberge Arflina et le sommet du Glattwang. Bientôt, la vue sur les bâtiments du domaine skiable ressemble à celle d'un paysage de train miniature.

D'une certaine manière, cette vision correspond assez à cette mini-station de ski de longue tradition. Le Berghaus Heuberge et le Skihaus Arflina ont vu le jour au début des années 1930. Les premières remontées mécaniques ne tardèrent pas à arriver. Pourtant, l’agitation n’a jamais envahi ce fond de vallée. Les Heuberge comptent parmi les derniers spécimens de téléskis à arbalètes, menacés d'extinction.

Mais contrairement à l’apparence de la station actuelle, les responsables ne manquent pas d'idées visionnaires. D'ici 2030, ils veulent transformer le domaine en une éco-station (de ski). Une première étape : le sauna à énergie solaire qui a été mis en service en 2020.


Du sommet du Glattwang (2376 m), le regard porte sur le versant nord de la vallée du Prättigau. L'eldorado des randonnées à ski de St. Antönien se trouve au pied de la Sulzfluh. Un peu plus à l'ouest, près de Fanas, un téléphérique raccourcit la montée vers les pentes sud dépourvues d'arbres du Sassauna (2307 m). Un rêve avec de la neige de printemps. Mais encore mieux, c’est de la poudreuse qui attend Jürg et Anna aujourd’hui.

. Un final magistral : 1600 mètres d'un seul coup. Seuls. Aucune autre personne en vue. Une ode à la joie. « C'est l'heure d’une bière panache ! » s'exclame Anna en mettant ses skis sur l'épaule une fois arrivée à Fideris. Anna et Jürg posent leurs sacs à dos sur la terrasse ensoleillée de l'auberge. « Santé, à trois jours de plaisir ! » rit Jürg. Une fois de plus, les regards se tournent vers les sommets. Quel accord final pour cette symphonie de randonnées !


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