De Marcel Dettling
Les voies dans le mur dit Sockelwand des tours « Peter und Paul », situé dans la face sud-est du Klein Mythen n’ont jamais été très populaires. Ceci est certainement dû au fait qu’elles n’ont jamais figuré dans les topos d’escalade plaisir. C’est bien dommage car les voies ont beaucoup à offrir. Un accès court depuis la région de Zurich-Lucerne – seulement une trentaine de minutes d’accès – une situation ensoleillée et panoramique, un rocher solide et un bon équipement. Bref, le jour était venu où j’ai voulu m’attaquer à cette falaise. Je cherchais une voie pour un après-midi qui pouvait satisfaire à la fois le grimpeur plaisir en 5c/6a et moi en tant que grimpeur sportif. L’arête W à la tour Paul combinait ces facteurs : la plupart des longueurs restent dans le domaine plaisir et là où elles le dépassent, il est possible d’utiliser les spits rapprochés (A0) pour franchir les difficultés. Aucune ascension libre du passage sur la tour sommitale n’est connue jusqu’à aujourd’hui et des bruits courent que le passage se situerait dans le 7c. Assez de raisons pour que je me confronte à ce défi.
Klein et Gross Mythen avec leurs versants ouest depuis Schwyz Obdorf. La Sockelwand au Klein Mythen est bien visible.
Notre sortie commença à 14h45 au parking près de Günterigs Grübli (P. 955). L’accès à ce parking n’est pas si évident puisque de nombreuses petites routes au niveau Ried/Obdorf sont interdites à la circulation. Le meilleur itinéraire passe par le quartier du Dorfbach jusqu’à Loo, P. 755 et par Dietental P. 847 jusqu’au point de départ. De là, il ne reste plus que 350 m de dénivelé et une bonne grosse demi-heure jusqu’à l’attaque de la voie. De Günterigs, suivre le sentier pour Haggenegg pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’on tombe sur une pierre avec une inscription rouge " ;Klettern" ; peu avant la route forestière. De là, un sentier avec un balisage rouge un peu effacé mène à l’attaque. Attention à ne pas se perdre dans les pierriers et sous-bois autour sous peine de perdre beaucoup de temps. Quelques minutes avant 15h30 nous sommes au pied de la Sockelwand, assez impressionnante (oui, cela fait un bon moment que je ne fais que de l’escalade sportive… ;-). Les deux voies sont parfaitement étiquetées et grâce au bon équipement on ne risque pas non plus de se perdre dans la voie. On y va :
Vue sur la Sockelwand. Après être descendus en rappel dans la voie, une autre cordée s’y est lancée.
L1, 35m, 6a : le départ est moyen dans un rocher pas très compact, la deuxième moitié offre par contre une belle escalade avec une courte traversée épineuse de droite à gauche.
Le passage clé de la L1 (6a) avec une traversée épineuse en rocher compact.
L2, 35m, 5c : partir un peu en oblique à droite dans une fissure où l’on tombe sur le relais de la voie d’à côté au bout de quelques mètres. Repartir en diagonale à gauche (pâle flèche bleue). La suite est caractérisée par une zone dalleuse plus facile. À la fin il y encore un beau passage raide.
Le beau passage raide de la fin de la deuxième longueur L2 (5c).
L3, 25m, 6c ou A0 : traversée facile vers la droite, s’élever ensuite sur un bord peu marqué d’une dalle (6c). Traverser 2 à 3 m à droite, s’élever par un passage raide en 6b. Les spits de cette longueur sont très denses et parfois encore reliés par des bouts de corde. Il est donc possible de franchir les passages difficiles en A0.
C’est dans cette zone compacte de la paroi qu’évolue L3 (6c). Grâce aux nombreux spits il est possible de franchir les passages difficiles en A0.
Grimpe en second dans la partie supérieure de la L3 (6c) qui doit être côté avec 6b environ.
L4, 25m, 5c+ : quelques mouvements plus raides après le relais, puis traverser à droite et grimper entre les pins rampants jusqu’au prochain relais situé sur une plate-forme aérienne.
L5, 25m, 5c : dans la première partie de cette longueur se trouve un beau ressaut en rocher compact. La deuxième partie est plus facile, plus aussi compacte et parsemée par endroits de pins rampants.
Vue sur la L5 (5b).
L6, 45m, 5b : traversée à droite sur le faîte aérien où quelques beaux mouvements nous attendent. La deuxième partie de la longueur est plus facile et devient un terrain où l’on peut marcher jusqu’au pied de la tour sommitale.
C’est dans cette zone qu’évolue la première partie de la L6 (5b).
L7, 20m, 7ab : cette longueur sera la pièce de résistance. Elle évolue sur l’arête SW raide de la tour sommitale. Ceux qui préfèrent la variante plus tranquille peuvent bifurquer à gauche après les premiers mètres et atteindre le sommet du Paul par la voie normale (5e degré). Mon objectif était clairement l’ascension en libre de cette longueur d’artif. Au début les prises sont assez nombreuses, avec quelques mouvements en 6b on atteint le dernier replat avant l’arête d’où il est possible d’étudier le passage clé. Dans le passage suivant les spits sont malheureusement très à gauche du faîte. En artif ils étaient ainsi plus faciles à fixer et utiliser… l’escalade libre suit par contre le faîte arrondi sur lequel on se hisse. Le seul hic : en prenant l’arête avec la main gauche (c’est-à-dire le côté droit du corps contre le rocher), il est impossible de mousquetonner les spits. J’ai assez vite compris que je ne pourrais pas utiliser deux points d’assurage et le troisième seulement en ayant une prise assez bonne pour le faire. Ceci me paraissait un peu risqué comme entreprise (le sol n’est pas loin et un pendule est de toute façon inévitable). J’ai choisi l’option la plus sûre et j’ai tenté la séquence en tenant la dégaine. Un peu dommage car au niveau des mouvements je pense que j’aurais pu faire le passage à vue. Bref, je n’ai pas tardé à trouver une stratégie et à franchir le passage au deuxième essai sans trop de difficultés majeures. À mon avis la difficulté n’était pas 7c mais plutôt 7a à 7b au max. Je ne suis du coup plus très sûr d’avoir vraiment été le seul à l’avoir fait en libre. Au niveau de la difficulté, de nombreux grimpeurs doivent en être capables – la question est plutôt si quelqu’un a déjà eu l’idée de l’essayer. Le livre de sommet qui date de l’ouverture de la voie ne donne aucune indication à ce sujet.
La tour sommitale raide. La voie évolue dans la zone jaune, à droite de l’arête (env. 7ab).
L8, 10m, 6a+ : il est également possible de sauter le relais un peu inconfortable sur l’arête et de poursuivre jusqu’au sommet. À condition d’avoir suffisamment de dégaines ou d’être d’accord de sauter l’un ou l’autre spit dans ce terrain plus facile. L’escalade y est adhérente et aérienne, génial !
Arrivé au sommet, vue sur la L8 (6a+).
À 18h30 nous avons atteint le sommet au bout de 3 heures d’escalade et avons concrétisé notre mission d’escalade libre. Au niveau de la météo nous n’étions pas stress car c’était une magnifique soirée de printemps aux températures douces et au ciel bleu foncé. Mais d’un autre côté je savais aussi qu’en mettant un peu les gaz je pourrais mettre les enfants au lit. Nous ne nous sommes du coup pas trop attardés et avons tiré un rappel de 30 m dans le versant N de la tour sommitale. Ensuite on marche sur l’arête facile de la L6 jusqu’à un relais de rappel bien situé. De là on revient rapidement au départ de la voie par 3 rappels (45 m, 45 m, 50 m). Même les nombreux pins rampants ne gênent guère. Pour le dernier rappel il existe un relais parfait en dehors de la voie – ceux qui veulent peuvent aussi utiliser les relais bien équipés de la voie elle-même. Après une brève descente à pied, nous prenons congé l’un de l’autre et au bout de 45 minutes de route je suis déjà à la maison. C’était plutôt chouette comme petite expédition de l’après-midi – un lancement sportif et plaisant dans la saison d’escalade 2017.
La vue depuis la voie sur Schwyz et le Rigi est splendide.
Facts
Klein Mythen - Paul arête SW 7b (ou 6a A0) - 8 L, 220m - Arnold/Schuler 2006 - *** ; xxxxx
Équipement : corde 2x50m, 14 dégaines, coinceurs/friends pas nécessaires.
Voie plaisir dans un endroit très ensoleillé qui sèche très vite et qui est rapidement en bonnes conditions déjà tôt dans la saison. Le rocher y est solide et de bonne qualité. Comme souvent aux Mythen, il n’y a pas beaucoup de structures aux endroits compacts. Là où il y a plus de structures, les végétaux se sentent bien à leur aise. Malgré tout, rien n’empêche une escalade plaisante. La grande partie de l’itinéraire se trouve dans le 5e degré. La troisième longueur est cotée 6c, il est par contre possible de s’aider des spits très serrés pour progresser. La tour sommitale peut également être escaladée par la voie normale plus facile (env. 5b), la longueur difficile en libre est donc facultative ou également franchissable en A0. Somme toute, cette voie est plutôt un objectif pour les grimpeurs du niveau 5c/6a que pour le grimpeur de l’extrême – mais ce dernier y trouvera également quelques passages à son goût. L’équipement est presque exagéré, tellement il est dense même dans les parties plus faciles. Personnellement j’ai trouvé que les deux premières longueurs demandaient le plus d’attention – alors ne vous laissez pas décourager et persévérez !
Impressions du livre du sommet.
Topo
L’impopularité de cette voie provient peut-être du fait qu’il n’existait pas de bon topo d’elle. Pendant longtemps aucun topo ne mentionnait son existence. Entre-temps le topo d’escalade CAS Suisse centrale, nord-est contient un topo basé sur une photo. Il ne reflète pas le véritable cheminement de l’itinéraire, ce qui n’est pas trop gênant – grâce aux nombreux spits il est presque impossible de se perdre une fois dans la voie. Peu importe, voici ma version d’un topo schématique.
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