Casque ou pas casque : la question est-elle vraiment encore d’actualité ? Malheureusement, oui. Sur le terrain, de plus en plus de gens renoncent à porter un casque. Nous avons discuté avec trois spécialistes : quel est l’effet du casque sur le terrain ? Pourquoi cet accessoire n’est-il pas encore aussi bien accepté en ski de randonnée que sur la piste ? Et quelles sont ses limites ?
« Nous recommandons, dans tous les cas, le port d’un casque de sports de neige ou multisport pour la pratique du ski de randonnée et du splitboard. Et ceci particulièrement à la descente et dans les terrains exposés aux chutes de pierres ou de glace. Toutefois, nous déconseillons l’utilisation d’un casque d’escalade. Il est bien établi qu’un casque de sports de neige permet d’éviter 30 pour cent des blessures à la tête – ou du moins qu’il réduit la gravité des blessures survenues à ski ou en snowboard. Mais le casque atteint ses limites lorsque l’impact est trop puissant. Il offre cependant une bonne protection contre les blessures à la tête légères à modérées ou contre les commotions cérébrales.
En ski de piste, le taux de pratiquants équipés d’un casque correspond à 90 pour cent. Si nous ne savons pas combien de personnes portent un casque en-dehors des pistes, il semble que leur nombre augmente. Le port du casque n’est pas toujours bien accepté dans les milieux alpinistes, ni même auprès des grimpeurs. Certes, on porte souvent le casque dans certaines situations, mais celui-ci ne bénéficie pas d’une acceptation généralisée. C’est pourquoi nous tentons régulièrement d’aborder ce sujet auprès des associations et organisations de sports de montagne ainsi que dans le cadre du programme de promotion sportive Jeunesse+Sport.
En ski de randonnée, les blessures à la tête représentent 14 % des blessures. Sont plus significatives les blessures aux genoux (30 %) ainsi qu’au bas de la jambe et à la cheville (20 %). Chaque année, un millier de Suisses se blessent en ski de randonnée, dont une vingtaine mortellement, la majorité dans une avalanche. Depuis l’an 2000, le nombre d’accidents et de décès a tendance à augmenter. Mais cette hausse est liée au fait que de plus en plus de gens pratiquent ce sport. »
Dr. Flavia Bürgi
Collaboratrice scientifique au Bureau de prévention des accidents BPA
« De 1995 à 2004, j’ai été ski-alpiniste professionnel. Dans les années 1990, le casque n’était pas encore obligatoire. Son utilisation ne s’est développée que dans les années 2000 : cela a commencé par le port du casque obligatoire dans les compétitions internationales, puis le CAS a suivi et, plus tard, la Patrouille des Glaciers (PDG). En 2002, j’ai décroché la troisième place à la PDG avec mon équipe – encore sans casque. De 2005 à 2012, j’ai encadré l’équipe nationale suisse en tant que chef de discipline dans les courses de ski-alpinisme. Aujourd’hui, je travaille comme guide de montagne et je dispense des formations de préparation à la PDG.
Je remarque un net changement de mentalité chez les jeunes athlètes. Ils s’entraînent tous avec un casque, car ils n’ont jamais connu autre chose. En réalité, il n’y a aucune raison de ne pas porter de casque, car un accident peut toujours se produire. À ce propos, j’ai une anecdote : j’étais en train de faire une course d’alpinisme avec un client, je connaissais la région, le rocher était compact et le risque de chutes de pierres faible. J’ai donc décidé dene pas porter de casque. Mais une autre cordée se trouvait dans la paroi. Le sac à dos de l’un d’entre eux s’est ouvert et son contenu est tombé – par chance pas sur nous.
Lorsque je monte à pied ou que je suis sur le glacier, je ne porte pas de casque. Et je laisse mes clients décider s’ils veulent en porter un ou non. J’ai aussi été professionnel de ski de fond. Parfois, vous atteignez les 70 km/h. Pourtant, le casque n’est pas (encore) obligatoire dans cette discipline. Concernant les casques, je souhaiterais qu’ils offrent une meilleure isolation ou qu’ils permettent de porter un bonnet en-dessous. Car souvent, les gens privilégient le bonnet au casque. J’ai déjà vu des accidents de ski où le casque était complètement démoli. Cela donne à réfléchir. »
Rolf Zurbrügg
Guide et moniteur de ski, guide Patrouille des Glaciers
« L’introduction du casque a permis de faire chuter le taux de blessure cérébrale crânienne, également en ski de randonnée. Chez nous à Innsbruck et dans les environs, tous les skieurs alpins et randonneurs à ski portent un casque plutôt qu’un bonnet. Cette évolution date de plus de dix ans et a un lien certain avec l’accident de Michael Schumacher. Le port du casque implique une délocalisation des blessures : les hémorragies cérébrales et les traumatismes crâniens ont nettement baissé, tandis que les blessures des os du visages, c’est-à-dire des maxillaires supérieur et inférieur et des pommettes, sont toujours bien présentes. Pour éviter ces blessures, il faudrait porter un casque intégral.
L’année dernière, les blessures en randonnée à ski ont beaucoup augmenté en raison de la pandémie, les remontées mécaniques étant restées longtemps fermées – 37 % de plus qu’en 2019. Énormément de gens se sont mis à cette discipline, dont certains qui n’avaient aucune expérience ou n’avaient pas pratiqué depuis longtemps. Pendant cette période, l’âge moyen des skieuses et skieurs de randonnée était aussi nettement plus élevé. Les accidents sont souvent dus au fait que les gens ressentent un faux sentiment de sécurité. Ils disent des choses comme : « Je fais du ski depuis vingt ans et il ne m’est jamais rien arrivé. » Viennent ensuite les conditions météorologiques difficiles, une surestimation de ses capacités et une condition physique insuffisante. Durant la pandémie, nous avons également remarqué que des personnes non entraînées partaient en ski de randonnée. Nous avons souvent vu dans l’ambulance des personnes âgées dire : « Je n’aurais jamais dû le faire. » Nous verrons ce que cet hiver nous réserve, mais les remontées mécaniques devraient rouvrir. Ma conclusion : tous les gens qui font du ski de randonnée sans casque sont responsables de leurs accidents. J’ai moi-même deux enfants et si je ne porte pas de casque devant eux, mon rôle de modèle en prend un coup. »
Universitäts-Prof. Dr. Rohit Arora
Université de médecine d'Innsbruck, service d'orthopédie et de traumalogie
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