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Après le calme, l’agitation

Thomas Ebert & Urs Nett, mercredi, 04. octobre 2023

En haut, c’est la folie, tandis qu’en route, c’est un rêve : l’accès au Säntis par les Chammhalden prouve que même les sommets accessibles en téléphérique peuvent être intéressants sur un plan alpinistique.

Chaque année, le téléphérique du Säntis transporte quelque 435 000 visiteurs jusqu’au plus haut sommet de l’Alpstein, où les touristes en chaussures basses font la navette entre restauration rapide et points de vue panoramiques idéaux pour selfies. Ce n’est pas exactement ce que l’on pourrait appeler une destination de rêve – trop d’agitation, pas assez de « majesté » au sommet. Le Säntis partage ce sort avec d’autres sommets parfaitement desservis par les transports en commun, comme le Rigi, le Pilate ou le Moléson. 

Mais les apparences sont trompeuses, car même sur de tels sommets, il existe des sentiers idylliques, parfois même solitaires, qui offrent aux montagnards tout ce dont ils ont besoin – avec le petit bonus de se sentir, une fois l’exploit accompli, dans le tumulte touristique du sommet, encore un peu plus comme un « vrai » alpiniste.

La première partie est réussie : après la partie herbeuse très raide du début, la pente se calme brièvement après la « Haifischflosse ».

Au Säntis, l’itinéraire par les Chammhalden répond sans nul doute à ces critères. Christa et Stefan, mes compagnons du jour de l’Oberland zurichois, n’en avaient encore jamais entendu parler. Tôt ou tard, la renommée de l’itinéraire pourrait toutefois s’étendre au-delà de la région. Car en 2023, le CAS a révisé son échelle de cotation des randonnées après onze ans. 

Entre autres, les exemples d’itinéraires pour chaque degré de difficulté ont été « remplacés par de nouveaux exemples plus contemporains », selon le CAS. Désormais, la nouvelle échelle pour le degré T5 (« souvent sans chemin, terrain raide accidenté, quelques passages d’escalade faciles »), propose le Säntis par les Chammhalden, en complément aux montées au Bristen, à la Silberhornhütte ou au Zervreilahorn par le sud.

Au milieu de l’itinéraire des Chammhalden, on se trouve aux premières loges pour observer les passagers du téléphérique – et vice-versa.

Voilà une raison suffisante pour examiner de plus près la nouvelle randonnée de référence du T5. Nous laissons derrière nous la station inférieure du téléphérique à la Schwägalp et marchons vers l’est en direction du soleil, qui ne tarde pas à percer pour la première fois derrière les Chammhalden. Il n’y a pas de balisage ici – les personnes qui ont l’intention de suivre cet itinéraire doivent savoir elles-mêmes ce qu’elles font et où elles veulent aller. Et aussi tenir compte du fait qu'il évolue tout le temps dans un districts francs fédéraux - ces conditions de comportement doivent donc être respectées.

Dans une herbe raide, qui monte parfois jusqu’aux genoux, nous cherchons le meilleur chemin pour atteindre l’arête, sur laquelle passe un mur en pierres sèches et qui offre une vue magnifique sur le pays d’Appenzell jusqu’au lac de Constance. L’arête se termine par un gros bloc rocheux au pied de la paroi – c’est ici que se trouve le premier balisage orange de la randonnée. Mais comme l’itinéraire n’est pas impopulaire, on y rencontre toujours des sentes plus ou moins évidentes. Nous montons courageusement par une rampe herbeuse jusqu’à un replat. Nous continuons en zigzag à travers un terrain herbeux raide et légèrement dalleux jusqu’à une dent rocheuse qui ressemble à un aileron de requin.

« Ceux qui maîtrisent les courses en T5 trouvent ici le plus bel itinéraire pour gravir le Säntis ! »


Presque seuls sous la télécabine

Un peu plus haut, le terrain s’aplanit un peu. Les prairies invitent à reprendre notre souffle, d’autant plus que sur la droite, le téléphérique du Säntis fait la navette et que l’on pourrait se laisser admirer par ses passagers. Mais l’ascension n’est pas encore terminée : en traversant à droite, nous atteignons une plaque commémorative. Au-dessus, nous traversons jusqu’au passage clé de la course, une enjambée exposée. Certaines descriptions mentionnent ici une corde fixe, mais en juin 2023, il n’y en avait aucune. Cependant, les prises sont bonnes et, en s’accrochant bien, le passage est vite franchi. 

À gauche: Les passages clés de l’arête NE du Girenspitz ne sont définitivement pas de l’ordre des sentiers de randonnée. À droite: Les pentes herbeuses raides et parsemées de rochers sont typiques des Chammhalden – maîtrise du T5 nécessaire.

Au plus tard ici, il faut avoir mis son casque sur la tête, et bien que le rocher soit généralement assez solide, il peut être judicieux de laisser un peu d’espace avec les groupes précédents. En passant par des couloirs et des rampes, toujours dans le deuxième degré, toujours avec une fantastique vue plongeante – il s’agit tout de même d’une paroi de 1000 mètres – nous atteignons finalement le Hünerbergsattel. 

L’itinéraire par les Chammhalden se termine ici, et on pourrait facilement rejoindre la voie normale menant au Säntis en passant par Rossegg et Blauschnee. Nous décidons toutefois de sortir notre baudrier et notre corde pour enchaîner avec l’arête nord-est du Girenspitz. 

L’escalade plaisir ne dépasse pas le troisième degré et complète parfaitement l’itinéraire des Chammehalden. Au sommet du Girenspitz, nous pouvons déjà voir la foule en face, au Säntis, tandis que nous n’avons rencontré que quatre personnes jusqu’ici – et ce par un beau dimanche de juin ! Après avoir fait quelques pas vers la brèche de Blauschnee, nous nous retrouvons au milieu de la foule, sur la « Himmelsleiter », la via ferrata finale vers le Säntis.

Agitation habituelle : bouchon dans la dernière pente sous le sommet.


Embouteillage à l’échelle céleste

Et c’est parti : deux chiens dans la descente créent un gros embouteillage avec leur harnais, mais à force de persuasion et de friandises, ils finissent par avancer. Un Japonais épuisé me demande mon piolet, qui ne lui sera sans doute d’aucune utilité ici, dans la roche sèche comme de la poussière. Tout en haut, les influenceurs s’en donnent à cœur joie avec l’appareil photo de leur téléphone portable, mais nous finissons tout de même par nous trouver une petite place. 

C’est un autre monde, mais comme nous le savions à l’avance, nous avons déjà dîné au Girenspitz, nous sommes félicités pour la randonnée et préparés mentalement pour le sommet. Et, très franchement : nous étions heureux de pouvoir profiter du téléphérique pour la descente. En fin de compte, pour tous les alpinistes maîtrisant le degré de difficulté T5, l’itinéraire par les Chammhalden est certainement le plus beau accès au Säntis, si l’on ne veut pas utiliser de corde ! 

Deux mondes : seuls au Girenspitz, alors qu’au Säntis, à l’arrière-plan, les places de pique-nique sont convoitées.

À propos : le CAS n’indique plus l’équipement nécessaire dans sa nouvelle échelle de randonnée. Ce n’est pas surprenant, car toutes les randonnées T5 ne sont pas logées à la même enseigne. Pour les Chammhalden, on peut dire qu’un casque dans les bagages ne fait pas de mal, de même qu’un piolet et des crampons s’il y a le moindre doute sur la présence de névés.  

 

Redécouvrir les sommets desservis par des installations

Les personnes qui ont apprécié l’itinéraire des Chammhalden jusqu’au Säntis trouveront également leur bonheur sur d’autres sommets desservis par des installations en Suisse. Consultez le portail des courses du CAS pour davantage de détails sur ces itinéraires.


1: Rigi : via « Arschbaggen »

Combien d’installations mènent au Rigi ? Il n’est pas si simple de répondre à cette question – si l’on compte l’ensemble du massif, il y en a neuf. L'une d'entre elles, le téléphérique menant à Seebodenalp, permet de raccourcir la fameuse montée par les « Arschbaggen ». Dans la face nord-ouest du Rigi, l’itinéraire passe à Ronenboden et suit les ressauts de nagelfluh glissant, dont certains peuvent être franchis à l’aide de chaînes.

- Difficulté : T5- (cotation randonnée CAS)
- Plus d'informations : Tour complet sur le portail des tours du CAS


2: Pilatus : Galtigengrat

Juste en face du Rigi, deux remontées mécaniques rendent le Pilatus accessible au grand public. Les grimpeurs ne vont que jusqu’à Ämsigen et montent ensuite par la Mattalpplatte jusqu’aux quatre tours du Galtigengrat. Ce classique obwaldien de l’escalade devient de plus en plus difficile plus on gagne de l’altitude. Depuis le sommet du Rosegg, un chemin de randonnée T3 permet de rejoindre le Kulm.

- Difficulté : 4b (cotation d’escalade)
- Plus d'informations : Tour complet sur le portail des tours du CAS


3: Diavolezza : Senda dal Diavel

Cette proposition de course ne mène en fait qu’au Munt Pers, qui n’est pas desservi par le téléphérique. Toutefois, le chemin qui rejoint la Diavolezza est si court que nous pouvons fermer les yeux sur ce point. Depuis la station inférieure, on monte au Lej da las Collinas, où se trouve l’attaque de l’arête nord-est qui s’étire un peu en longueur et qui présente des passages assez raides. L’arête, marquée en bleu et blanc, ne dépasse pas le deuxième degré UIAA, et les passages clés sont facilités par des chaînes. La traversée vers la Diavolezza se fait par le chemin de randonnée officiel.

- Difficulté : T5 (cotation randonnée CAS)
- Plus d'informations : Tour complet sur le portail des tours du CAS


4: Moléson : Via ferrata Le Moléson – Le Pilier

Le Moléson (2002 m), avec sa vue imprenable sur le Mont-Blanc, la Jungfrau, le lac Léman et autres, ne se gravit pas uniquement avec les installations (funiculaire et téléphérique). Deux belles via ferrata permettent également d’accéder au sommet – l’une dans la face nord, l’autre sur le pilier nord-est, où l’on peut voir le téléphérique passer. Les montagnards expérimentés enchaînent les deux via ferrata le même jour.

- Difficulté : K4 (cotation via ferrata)
- Plus d'informations : Tour complet sur le portail des tours du CAS



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