Peu de professions sont plus en harmonie avec la nature que celle de guide de montagne. Michael Wicky en sait quelque chose. Il possède son brevet depuis bientôt 30 ans et a fondé plus tard bergpunkt, l’une des plus grandes écoles d’alpinisme de Suisse. Avec lui, nous nous sommes entretenus des comportements responsables dans les Alpes, de la tâche éducative des guides et des expéditions de ski de randonnée surdimensionnées.
La notion de durabilité couvre un large spectre. Comment l’appréhendes-tu en tant que guide ?
Pour les guides, le développement durable se réfère principalement à des aspects écologiques spécifiques à l’univers de la montagne. Comme notre création de valeur a lieu en Suisse, la durabilité dans le sens de son rôle social est assez bien ancrée par un droit du travail solide, etc.
Comment évalues-tu la durabilité écologique ?
Elle me tient très à cœur. Travaillant dans la nature, nous percevons par exemple clairement qu’il fait plus chaud qu’avant. Nous souhaitons pouvoir montrer à nos clients des montagnes intactes. Or, notre travail consiste intrinsèquement à passer du temps dans la nature.
Qu’est-ce que tu entends par là ?
Nous aimons la nature et essayons de la polluer le moins possible. En même temps, nous explorons la montagne jusque dans ses moindres recoins. Trouver un bon compromis est notre plus grand défi.
Tu es guide depuis près de 30 ans. Comment les exigences des clients ont-elles évolué ?
Je remarque qu’ils sont de plus en plus sensibles au changement climatique. Récemment, j’ai eu des discussions très intéressantes avec des clientes et clients. Tous semblent comprendre la nécessité de se restreindre sur un certain nombre de points. Ainsi, la discussion consiste à chercher des solutions pratiques. C’est la grande différence par rapport à avant : on n’évoque presque plus la question de fond ; on cherche des solutions. Il n’est plus question de reconnaître la pertinence de notre responsabilité sociale et écologique.
Et comment était-ce autrefois ?
C’était bien différent. Nous discutions pour savoir si le réchauffement climatique était imputable à l’homme ou non. On était en outre beaucoup moins sensibilisé et informé. Par exemple, jeter des ordures en montagne n’était pas encore un délit.
Dans la formation de guide, comment les comportements écologiques et les thèmes relatifs à l’environnement sont-ils enseignés ?
Ces thèmes doivent être abordés, ne serait-ce qu’à cause des sites de protection de la faune. Car c’est par là que la planification des courses commence. En outre, les guides ont pour vocation de faire connaître la beauté de la nature. Nous recevons beaucoup de feed-back positifs des clients lorsque nous les rendons attentifs aux beautés de la nature et leur transmettons des informations de base sur la flore, la faune, les glaciers ou la géologie. Il en a toujours été ainsi – autrefois, il y avait déjà le « cours des p’tites fleurs ». On devait connaître les plantes, les animaux et leurs habitudes.
Y a-t-il des choses qui te dérangent dans le domaine du développement durable en montagne ?
Oui. Par exemple, la communication relative aux zones protégées. La protection est indispensable, c’est clair. Mais tous les acteurs devraient être impliqués lorsque des décisions sont prises. La fédération de chasse, la protection de la nature et les guides de montagne devraient davantage se parler. Comme déjà mentionné, les guides comprennent la nécessité de protéger la faune et la flore. Nous devrions par conséquent être impliqués. Je suis cependant convaincu que c’est en voie de s’améliorer. En ces temps de pandémie notamment, alors que les montagnes sont plus fréquentées, il est important de trouver des règlementations correctes et importantes.
Peux-tu nous donner un exemple ?
Je pense entre autres à un site de bloc connu dans le Lindental, où des oiseaux couvent. Là-bas, une super solution a été trouvée : de l’été à l’hiver, on peut y faire du bloc, mais au printemps, le site est fermé pour laisser les oiseaux couver. Ainsi, toutes les parties sont gagnantes.
Avec bergpunkt, tu diriges l’une des plus grandes écoles d’alpinisme de Suisse. Que faites-vous pour rendre les sports de montagne plus écologiques ?
Nous limitons notre rayon d’action. Par exemple, nous ne proposons pas d’héliski. Et nous renonçons aussi aux expéditions de ski de randonnée trop lointaines comme en Antarctique. Cette destination est si éloignée qu’il vaut mieux l’éviter, car cela détruirait trop d’endroits intacts. Nous proposons très peu de voyages en avion et seulement s’ils offrent un bénéfice concret. Par exemple, lorsque cela permet de soutenir des guides de montagne en Iran. Depuis longtemps déjà, toutes nos activités et celles de nos clients sont compensées avec MyClimate CO2.
Quelle est, d’après toi, la responsabilité des détaillants comme Bächli Sports de Montagne ?
Ils peuvent faire beaucoup en sensibilisant et en informant. Les questions qui ont trait au comportement en montagne, à la gestion de la nature et les aspects liés à la sécurité doivent être abordés de manière positive. Comme avec cette brochure conçue par Mountain Wilderness et vous.
Pourrions-nous également activer certains leviers dans le cadre de notre activité principale – à savoir la vente d’articles destinés aux sports de montagne ?
À cet égard, je considère les commerçants comme tenus d’utiliser des produits et des matériaux à la fois équitables et respectueux des ressources. De plus, c’est leur devoir de les commercialiser de manière transparente. Pour moi, le mieux serait d’expliquer aux consommateurs les processus de fabrication durables, par exemple en utilisant des labels normés. Ces actions favorisent une consommation responsable.
Souhaites-tu ajouter quelque chose ?
La politique joue un rôle déterminant dans le domaine de la durabilité. À titre d’exemple, un particulier est prêt à admettre un prix légèrement plus élevé, s’il sait que tout le monde paie davantage. De plus, j’introduirais deux règles concernant les vols en avion. La première : plus loin on vole, plus long doit être le temps passé à connaître la culture locale. Seconde règle : plus les années passent, moins il faut voler. Lorsqu’on est jeune, il est important de découvrir le monde. Mais avec l’âge, plus besoin d’aller jusqu’au bout de la planète. Ces règles sont aussi valables pour les sports de montagne.
À propos de Michael Wicky
Michael Wicky, de Worb, est le directeur de l’école d’alpinisme bergpunkt. Guide de montagne et physicien, il assouvit sa soif de voyage sans destinations exotiques : en entreprenant une transalpine avec un groupe de randonneuses et randonneurs à ski pour relier Nice à Vienne ou en grimpant dune des innombrables et incroyables voies d’escalade alpine qu’offrent nos Alpes. Pour lui, le terrain de jeu alpin est largement suffisant pour combler une vie d’alpiniste. En tant que professionnel de la montagne, il lui tient particulièrement à cœur de proposer à ses clients des aventures qu’ils n’oublieront jamais..
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