Ce refuge situé tout au fond de la Basse-Engadine, à
1714 m, est probablement l’hébergement le plus isolé des
Grisons. Pour l’atteindre, les hôtes doivent prendre le train
jusqu’à Scuol, puis le car postal qui passe par Ramosch
pour rejoindre Vnà, où un véhicule tout-terrain peut venir
les chercher. On peut aussi parcourir le dernier tronçon à
pied. Après une bonne heure de marche, une clairière surgit
brusquement et l’on est enfin arrivé à destination. Dans cette
oasis de tranquillité, on nous enjoint sans détour au calme et
au silence. « En entrant, veuillez enlever immédiatement vos
chaussures de montagne et chausser des pantoufles », c’est
ce que l’on peut lire dans le règlement de la maison, rédigé
dans une police antique. Cette instruction est d’ailleurs justifiée
au vu du parquet en bois particulièrement grinçant…
Concours
Bien que l’auberge actuelle ait été construite après un incendie
à la fin du XIXe siècle, on trouve des références à Zuort, en
tant que fief appartenant à la commune de Sent, datant de
1482. Au cours des siècles, cette maison a servi d’exploitation
agricole, d’hospice et de poste douanier, car elle se trouvait
sur l’ancienne voie commerciale reliant l’Engadine à Paznaun
via le Fimberpass, une route aujourd’hui très appréciée des
vététistes transalpins. L’histoire récente de la bâtisse a été
fortement marquée par le chef d’orchestre et compositeur
néerlandais Willem Mengelberg (1871–1951). En 1911, ce
dernier a fait construire un chalet au-dessus de l’auberge.
Il y passait les vacances d’été avec un large cercle d’amis,
dont Richard Strauss et Hendrik, prince des Pays-Bas. Il
a acquis l’auberge en 1920 avec 13 hectares de terrain. En
signe de gratitude pour le fait que la Suisse et la Hollande
aient été épargnées par la Première Guerre mondiale, il a fait
ériger une chapelle votive en bois : à l’extérieur, elle évoque
une église médiévale en bois typique de la Norvège et est
recouverte de sculptures alpines à l’intérieur. En raison des
concerts qu’il a donnés pour le régime nazi, Mengelberg est
tombé en disgrâce dans son pays d’origine. Cependant, une
fondation a veillé, après sa mort, à ce que l’esprit musical
puisse survivre pendant plus d’un demi-siècle dans le Val
Sinestra en permettant à des musiciens hollandais d’y
passer des vacances et d’y donner des concerts. En 2010,
Peter R. Berry IV., le benjamin d’une dynastie de médecins
de Saint-Moritz, a acquis la propriété et effectué les rénovations
nécessaires. Son objectif est de transformer Zuort en
une propriété collective, gérée de manière judicieuse.
Le charme unique de ce refuge de montagne, résidence
et poste de douane en un n’a pas échappé à l’association
Swiss Historic Hotels, qui a adopté l’auberge Zuort en
2012 comme l’un de ses plus petits membres : le bâtiment
principal dispose de deux chambres doubles historiques
et de deux chambres à quatre lits rustiques. La Chasa
Mengelberg abrite, outre une superbe bibliothèque, six
chambres doubles dotées d’un mobilier Belle Epoque
original avec des vasques. Certaines disposent également
d’une salle de bains. Un authentique sauna a été construit
dans la buanderie de l’ancienne maison des domestiques,
avec des lits en paille à la place des banquettes de sauna.
Depuis 2016, l’auberge est tenue par Doreen Carpanetti
et Meinrad Zwerger, dont les activités antérieures sont
restées dans les mémoires : sa délicieuse « cuisine fusion »
du Tyrol du Sud et d’Engadine est réputée.
Nous sommes heureux que la devise de la maison ne nous
ait pas dissuadés : « Rendez-nous visite. Nous n’avons rien »
Celle-ci devrait être complétée par « rien que du temps ».
À Zuort, on peut même dire que le temps est suspendu
: à
l’intérieur, trois horloges sont arrêtées. Pour que les hôtes
puissent se libérer de leurs gadgets électroniques, l’auberge
permet de s’offrir un répit du monde numérique. Les occupants
peuvent – s’ils le veulent – remettre leur smartphone
et autres appareils addictifs. Le règlement de la maison
« Calme, silence » trouve ainsi toute sa signification. Les
hôtes sont en outre encouragés à ne rien faire, à respirer
lentement, à tendre l’oreille et à se taire ainsi qu’à mettre
leurs pensées par écrit. Tout comme autrefois…
Lieu d’étape de la Haute Route et second point de départ
de la Patrouille des glaciers, le nom « Arolla » est
particulièrement
évocateur pour les alpinistes. C’est
également un très bon camp de base, en particulier grâce
au Grand Hôtel Kurhaus. Son nom provient de l’époque où
l’on construisait beaucoup de grandes bâtisses avec de
grands noms en Valais ; le Kurhaus a été l’une des dernières
à être inaugurée, en 1896. L’esprit avant-gardiste
de l’époque et l’histoire mouvementée sont encore perceptibles
dans tout l’hôtel, exploité par Peter Weatherill,
représentant que la quatrième génération de la famille.
Depuis 2006, le Kurhaus est membre de l’association Swiss
Historic Hotels, car « il est empreint d’une convivialité et
d’une simplicité typiques d’un véritable hôtel de montagne,
que l’on rencontre rarement ailleurs ». La dernière rénovation
remontant à 40 ans, il peut toutefois sembler passé
de mode. Dans tous les cas, on est bien loin du bric-àbrac
« alpine chic » que l’on trouve trop souvent en Valais.
Et l’atout principal des chambres reste la vue qu’elles
offrent sur les sommets environnants, le Pigne d’Arolla,
le Mont Collon, l’Aiguille de la Tza, ainsi que sur la forêt
d’arolles entourant l’hôtel. En effet, de véritables arolles (et
quelques mélèzes) poussent ici – et vont encore plus
haut que sur l’Engstlenalp, soit jusqu’à 2200 m.
Arolla ne ravit pas seulement les nostalgiques de l’hôtellerie
alpine, mais aussi les amoureux des remonte-pentes
anciens. Les visiteurs qui n’ont pas envie de fixer des
peaux sur leurs skis n’ont pas moins de cinq téléskis à
leur disposition. Certains datent des années 1960. La
première installation, Les Fontanesses, compte parmi les
plus longues de Suisse avec plus de deux kilomètres.
En deux parties, elle permet aux skieurs d’arriver à près
de 3000 m d’altitude – engourdis et gelés… En tant que
station sans télésiège, Arolla est un haut lieu pour les
fanatiques de téléskis.
Vue grandiose : depuis l’Hôtel Engstlenalp on peut observer tous les objectifs de randonnée à ski de la région.
L’Engstenalp se situe à 1839 m, non loin du centre géographique
de la Suisse, lequel se trouve sur l’Älggialp.
Autrefois, il s’agissait d’un important camp de base pour
le trafic muletier de la Sbrinz-Route. Pourtant, on trouve
peu de lieux aussi isolés en hiver : la marche en raquettes
qui part de Haberen dans le Gadmertal et traverse tout le
Gental dure au moins trois heures et demie. Plus facile
mais aussi plus cher à cause du forfait de ski nécessaire,
on peut y accéder en ski de randonnée via Trübsee –
Jochpass
ou Melchsee-Frutt – Erzegg. Il arrive cependant
qu’on ne puisse y accéder par aucun côté, en cas de
danger
d’avalanches par exemple. Les réservations hivernales
sont donc toujours prises sous cette réserve.
Avec son lac idyllique, ses clairières d’arolles atteignant
près de 2000 m et ses innombrables gentianes, la plupart
des visiteurs de l’Engstlenalp préfèrent s’y rendre
en été. Pourtant, l’endroit repose sur une longue tradition
hivernale : « Avant la Première Guerre mondiale,
des officiers de réserve de l’armée austro-hongroise s’y
rendaient régulièrement », rapporte Fritz Immer, qui
dirige l’Hotel Engstlenalp en quatrième génération. Il s’est
donné beaucoup de peine pour conserver le charme isolé
de l’hôtel et se voit comme le « jardinier de l’Engstlenalp ».
Une menace tangible a plané lorsque des plans concernant
une liaison entre les trois domaines skiables Titlis – Melchsee-
Frutt
– Hasliberg via Engstlenalp ont été élaborés. Le
projet de « paradis de neige » a cependant été suspendu ;
aux vives oppositions émanant des milieux de protection
de la nature s’est ajouté, « par chance », le danger d’avalanches
latent. Mais le projet pour cet endroit, gentiment
étiqueté « région découverte », mijote toujours dans la
tête du gouvernement obwaldien. À l’avenir, les hivers ne
seront probablement plus jamais aussi tranquilles : les
remontées mécaniques du Titlis ont décidé de remplacer
l’ancien télésiège ralliant Engstlensee au Jochpass par
une installation à six places pour la saison 2019/20.
Dans l’hôtel même, Fritz Immer veille à une gestion durable
des ressources : il produit du courant avec sa propre
turbine, chauffe l’hôtel avec du bois provenant de la vallée,
utilise des capteurs solaires pour réchauffer l’eau et a sa
propre station d’épuration pour nettoyer les eaux usées.
Et pour que ses hôtes puissent vraiment se couper de leur
quotidien, les chambres (nostalgiques ou modernes) n’ont
ni radio, ni télévision, ni téléphone, ni Internet.
Les Chemins de fer du Jura mènent les voyageurs
jusqu’à La Ferrière, l’unique extrémité bernoise des
Franches-Montagnes. De là, il ne reste que deux kilomètres
à parcourir jusqu’à l’Hôtel de La Chaux-d’Abel.
La sympathique hôtelière Gabriela Haas vient volontiers
chercher ses hôtes à la petite gare. Mais la meilleure
manière d’atteindre l’hôtel consiste à chausser ses skis.
L’hôtel étant situé juste à côté de la « Magistrale » des
Franches-Montagnes, les amateurs de ski de fond sont
les mieux servis. Dès le départ, le terrain est accidenté,
une caractéristique typique du Jura. Comme surgi de
nulle part, l’hôtel apparaît soudain sur une colline à
1065 m. Et lorsque le téléphone portable perd définitivement
la connexion au réseau, cela signifie que l’on est
arrivé à destination. Déconnexion totale ! L’endroit draine
visiblement une clientèle accrue pour cette raison précise.
On a vraiment l’impression de se trouver dans un
no man’s land, à une extrémité de la Suisse.
La propriété a, elle aussi, une longue histoire : construite
comme une maison de famille en 1857 et transformée
en maison de convalescence en 1910, elle est rachetée,
après la Seconde Guerre mondiale, par des industriels
zurichois et cavaliers fervents, dont le fabricant de chocolats
Richard Sprüngli. En 2012, Gabriela Haas devient
la propriétaire de l’hôtel, transformé en petit bijou par ses
prédécesseurs. L’hôtel, particulièrement sobre à l’extérieur,
dégage un charme incroyable à l’intérieur. Chacune
des 20 chambres a été aménagée individuellement dans
un style cottage et dotée d’un nom affectueux tel que Les
Fleurs, Les Anges ou Les Étoiles. Dans le salon, on trouve
un piano et une cheminée, et la salle à manger abrite un
poêle en faïence. Le Patrimoine suisse a découvert ce
petit joyau et l’a intégré dans son guide « Les plus beaux
hôtels de la Suisse ».
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