Il y a quelques années, une blessure au pied m’a forcé à faire une pause dans mes activités en montagne et à ranger mon équipement outdoor. Lorsque j’ai recommencé à me déplacer dans les Alpes, je devais ménager mon pied. Il m’a donc fallu alléger mon équipement. Un ami m’a alors parlé du mouvement Thru-hiking sur le Pacific Crest Trail, un sentier de randonnée longue distance qui longe le littoral pacifique aux USA. Cette communauté s’engage à réaliser des randonnées longues distances sans effectuer d’arrêts significatifs dans les zones civilisées. Au sein de la communauté, le thème de la légèreté suscite un enthousiasme croissant et on réalise énormément d’expériences avec de nouveaux matériaux.
Cela a attisé ma curiosité et j’ai alors commencé mes recherches et mes expérimentations. Petit à petit, j’ai pris conscience que tous les duvets ne se valent pas et que chaque tissu a ses avantages et ses inconvénients. L’utilisation de textiles modernes nécessite quelques connaissances et les surprises font partie du jeu. Sur du matériel tout juste assez résistant, les traces d’usure apparaissent rapidement. Par exemple les frottements avec le sac à dos. Il convient de les identifier à temps ou de les éviter totalement.
La marche ultra-légère est surtout synonyme d’une plus grande liberté dans la planification et la réalisation de courses. Elle permet de passer plusieurs jours dans une région non peuplée sans être écrasé par le poids de l’équipement. Il faut toutefois pouvoir estimer les conditions qui nous attendent, car cette pratique ne permet pas d’emporter de trop grandes réserves. Par exemple, mon tarp de poche Hexamid légèrement modifié – protégé d’un côté mais relativement ouvert à l’entrée – combiné aux 8 sardines de titane et à la tige en carbone ne pèse que 230 grammes. Si je prévois de passer la nuit dans un lieu exposé par conditions venteuses, j’emporte plutôt mon bon vieux tarp de surface standard qui se laisse facilement monter, mais pèse le double.
Mais l’utilisation de matériaux légers n’est pas la seule manière de gagner en légèreté ; il y a aussi le renoncement et l’utilisation multiple. Ce sont nos expériences qui nous indiquent notre marge de manœuvre. Si je pars seulement pour un week-end prolongé, je peux emporter mes jumelles, tandis que si j’en ai pour presque une semaine, je dois renoncer à tout le luxe et n’emporter que ce qui me servira à avancer et à séjourner en pleine nature. Toutes ces réflexions renferment parfois des aspects ludiques. Dans les petits groupes de randonneurs, le défi peut par exemple consister à battre le record de légèreté.
Le processus vers un équipement léger peut s’avérer fastidieux, mais il est plus ou moins unique. Une fois que les réflexions fondamentales ont été faites et que l’équipement de base est prêt, les efforts deviennent moins importants, justement parce qu’on on a besoin de penser à moins de matériel. Ce lâcher prise est synonyme de liberté.
Préparer ses affaires de manière ciblée, tout en restant décontracté
L’une des clés du succès dans la marche ultra-légère, c’est de faire plusieurs usages des différentes pièces d’équipement. Il n’y a aucune limite à une utilisation multiple des objets. Cela peut même se révéler très ludique. Par exemple, mon sac à dos ne pèse que 300 grammes parce que le rembourrage dorsal est composé de mon matelas isolant. Tous les vêtements présents font aussi partie du système de couchage. Car si durant les nuits les plus froides, on ne porte pas tous ses vêtements pour dormir, c’est qu’on en a trop emportés. Cette idée de base peut aussi être étendue au thème de la nourriture.
Dans tous les cas, il est plus important de faire preuve de créativité et d’échanger ses réflexions et idées que de s’acharner à tout prix à réduire le poids de son matériel. Il faut toujours rester décontracté. Car il peut arriver que son statut de modèle de l’ultra-léger soit contesté par ses amis juste parce qu’on a emporté des petits pains garnis déjà prêts à la place de simple crackers wasa.
Les matériaux légers et la réduction des bagages entraînent une véritable perte de poids en cascade. Si les bagages pèsent moins lourd dans le sac à dos, ce dernier peut se composer de matériaux légers afin de réduire encore le poids. Des bagages moins lourds sur le dos permettent de soulager les articulations. En conséquence, les bâtons de trekking ne sont plus forcément nécessaires et les chaussures peuvent aussi être plus légères. Leur fonction de soutien n’est plus aussi importante, si bien que des chaussures de trail running pesant 340 la paire peuvent suffire. On se retrouve soudain dans de toutes nouvelles dimensions.
Calculateur de bagages
En ce qui concerne le sac à dos, le tarp, le matelas isolant et le sac de couchage, que l’on nomme les « Big 4 », la meilleure manière de réduire leurs poids est d’utiliser des matériaux légers. Pour toutes les autres pièces d’équipement, plus petites, la somme de chaque objet joue un rôle et la meilleure solution consiste à laisser tomber certains d’entre eux ou à privilégier une utilisation multiple. Si l’on veut atteindre un poids de bagages de six kilos pour une excursion de quatre jours avec de la nourriture mais sans eau, une balance est indispensable. Même les petits volumes finissent par peser de manière perceptible. Bien-sûr, il est possible, avant l’achat, de réaliser des simulations quant au poids final au moyen d’un tableau. Cela permet d’éviter les mauvaises surprises lors de la pesée.
Vêtements et chaussures
Conformément au principe de l’oignon, je porte sur la peau un t-shirt évacuant l’humidité. S’y ajoutent, selon la température, un maillot de corps en laine mérinos, un pull polaire fin, un pull en duvet et, contre le vent, une softshell légère. J’ai aussi une veste de pluie trois couches respirante munie d’une membrane imperméable à l’eau et perméable à la vapeur. Celle-ci ne pèse que 160 grammes. En plus du pantalon de randonnée, j’emporte aussi un pantalon de pluie léger fait dans le même matériau que la veste. Jusqu’aux chaussettes de randonnée, j’emporte un seul exemplaire de chaque vêtement. Outre les vêtements de pluie, tous les vêtements que je porte me servent aussi pour dormir et sont utilisés de manière régulative.
Pour les randonnées trois saisons, j’ai un pull en duvet. C’est avec les chaussures que j’ai réalisé les changements les plus importants. J’ai remplacé mes robustes chaussures de montagne par des chaussures légères composées d’une semelle Vibram et d’un mesh en polyuréthane. Lorsqu’il pleut ou que l’herbe est mouillée, les pieds deviennent vite humides. Mais dès que le soleil se remet à briller, le matériau en mesh sèche en un rien de temps.
Dormir
Le tarp est le seul moyen de disposer d’un abri léger durant les nuits pluvieuses. Il s’agit généralement de bâches carrées avec une surface de 250 à 300 centimètres de long et de 120 à 150 centimètres de large pour une personne. Pour deux personnes, ils sont à peu près deux fois plus larges. Le matériau se compose en général de nylon Ripstop, est légèrement élastique et peut être bien ancré contre le vent. Pour monter le tarp, il faut normalement huit sardines en titane et deux bâtons de trekking qui font office de tiges. Un tarp léger pèse environ 300 grammes. On trouve aussi des modèles en Dyneema Composite Fabric, un matériau très résistant. Ils sont très légers, mais sont moins faciles à ancrer contre le vent, car le textile n’est quasiment pas élastique.
Pour le sac de couchage, il est possible d’utiliser un modèle léger pour l’été que l’on complète par un pull en duvet et, si nécessaire, un pantalon en duvet, pour une utilisation trois saisons. Lorsqu’il pleut beaucoup, j’utilise un sac de bivouac respirant pour éviter que des projections d’eau latérales ne mouillent mon sac de couchage. Poids total : 800 grammes.
Nourriture
Ce n’est pas parce que l’on part randonner avec des bagages légers que l’on ne doit pas savourer un repas chaud le soir. Comme source de chaleur, on peut utiliser un réchaud à bois fait de deux gaines coniques en titane emboîtées, que l’on alimente avec de petits bouts de bois. Ceux-ci sont réduits en cendre blanche grâce au flux d’air généré dans le réchaud, produisant une chaleur élevée, un peu comme dans un fourneau. On trouve des morceaux de bois à peu près partout, même au-dessus de la limite des forêts.
Les champignons trouvés sur le chemin peuvent enrichir le repas, généralement composé de pâtes ou de riz, de pesto et de fromage. Lorsque j’ai du temps à la maison, je transforme deux litres de sauce tomate au basilic en 200 grammes de « cuir de tomate » en faisant épaissir, puis sécher la sauce. Le cuir de tomate peut être conservé longtemps en petits morceaux au congélateur et retransformé en sauce tomate dans de l’eau bouillante, par exemple en randonnée. Avec 50 grammes, on obtient de la sauce pour deux soupers. Pour le déjeuner, on peut manger du muesli avec du lait entier en poudre. Le goût peut varier d’un produit à l’autre, il vaut donc la peine de faire des essais avant. On y ajoute des baies séchées ou cueillies sur le chemin. Poids : 150 grammes. Pour varier un peu, on peut se préparer des œufs brouillés avec 12 grammes d’œufs entiers en poudre.
Cartes et navigation
Dans ce domaine aussi, il est possible de réduire le poids. Pour m’orienter, j’utilise une appli Android que j’ai moi-même développée et qui se base sur les cartes de swisstopo. L’appli n’a pas besoin d’un accès à Internet et le GPS ne se connecte que de manière sporadique, généralement pour une première localisation, avec les satellites. Cela correspond à un niveau de charge pour quatre jours. L’adaptateur et la powerbank sont donc superflus. Quatre jours en mode avion – magnifique. Comme solution d’appoint, j’ai toutefois un extrait de carte papier.
Infos
Internet regorge d’informations pertinentes concernant la marche ultra-légère. Mais comme avec beaucoup d’autres thèmes, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. Voici donc quelques liens qui m’ont aidé lors de mes débuts dans cette discipline :
- Critiques relatives à l’équipement, tests et récits en lien avec la marche ultra-légère (en anglais) : Backpackinglight
- Matériaux, Dyneema Composite Fabric (en anglais) : Hyperlite, Gossamer
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