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Un jour sur la glace

Jonas Schild & Thomas Ebert, mardi, 10. décembre 2019

Froides, lisses, dangereuses : la cascade de glace et l’escalade mixte jouissent d’une réputation particulière. Pourtant, avec une bonne technique et une tactique habile, la cascade de glace n’est pas plus dangereuse qu’un autre sport de montagne. L’athlète de Bächli, Jonas Schild, nous explique, dans le Kiental, à quoi il faut prêter attention.

Froides, lisses, dangereuses : la cascade de glace et l’escalade mixte jouissent d’une réputation particulière. Pourtant, avec une bonne technique et une tactique habile, la cascade de glace n’est pas plus dangereuse qu’un autre sport de montagne. L’athlète de Bächli, Jonas Schild, nous explique, dans le Kiental, à quoi il faut prêter attention.

«J’aime revenir régulièrement dans le Kiental. C’est ici que j’ai fait de la cascade de glace pour la première fois. Les cascades ne se trouvent qu’à quelques minutes de la route. Lors de cette journée de janvier, les températures étaient glaciales et avoisinaient moins 15 °C. Tandis que le photographe Dan s’énervait du faible ensoleillement, je me faisais du souci : il avait fait plutôt chaud les jours précédents… Un refroidissement brutal est mauvais pour la cascade de glace, car la glace devient très cassante, instable et pleine de tensions. Malgré tout, nous avons fait une tentative dans « Elvis » (M9). Lors d’une journée comme celle-ci, une bonne stratégie et un équipement adéquat prennent tout leur sens. »

  1. 1) « En cascade de glace, une bonne planification est la clé du succès. Premièrement, il faut penser à la tactique : où puis-je trouver de la glace assez solide pour les broches à glace, où puis-je me reposer ? Le ressaut plat, au-dessus de moi, se prête bien à ces deux activités. Deuxièmement, il est nécessaire d’établir une stratégie : les glaçons très fins, comme ici en haut à gauche, peuvent se briser à tout moment ; c’est la raison pour laquelle la personne qui assure se tient sur la droite, au pied de la paroi, en dehors de la ‹ ligne de tir ›. »
  2. 2) « Dès l’accès à la voie, les dangers objectifs commencent. Ici, le terrain est plat, mais l’accès aux cascades de glace est souvent menacé par les avalanches. Dans le Kiental, des cours ont souvent lieu et l’activité y est intense. Il faut, dès lors, faire attention aux chutes de glace. La colonne au-dessus de ma tête pourrait s’effondrer même si personne ne la touchait, car le fort refroidissement a rendu la glace fragile. C’est pourquoi il faut toujours prendre en compte les changements de température ! »
  3. 3) « Sur le rocher, on doit apprendre à ressentir les choses avec les piolets. L’action la plus importante est de charger le piolet vers le bas, et pas vers l’extérieur, sans quoi celui-ci pourrait facilement glisser. Pour les bons grimpeurs de dry toolong, le problème est rarement physique. Certes, il faut bloquer longtemps, mais la puissance nécessaire à la tenue des manches des piolets correspond à un 6b. En revanche, ce qui est difficile, c’est de trouver de bonnes aspérités pour les piolets. Une voie parcourue régulièrement devient plus facile car les éraflures, comme dans le coin gauche de l’image, indiquent où poser le piolet, et les entailles deviennent toujours plus profondes. De plus, pour les pieds, on trouve toujours quelque part où mettre les crampons. La notion clé, c’est l’assurage : il ne faut jamais poser des points d’assurage dans des glaçons aussi fragiles que ceux-ci : s’ils se détachaient, ils emporteraient tout avec eux. »
  4. 4) « Le passage du rocher à la glace constitue ce qu’il y a de plus impressionnant en cascade de glace ! C’est souvent bien plus agréable que ça en a l’air, car on trouve généralement des positions en écart entre le rocher et la glace, caractéristiques d’une bonne position de repos sur un terrain déversant. Sur la grande image en bas à gauche, je suis très détendu, aussi bien physiquement que psychiquement car un spit se trouve à côté de moi. On ne peut jamais être totalement sûr de la tenue d’un glaçon suspendu, aussi appelé cigare. Si celui-ci craque lors de l’impact et que le piolet transmet la vibration comme un choc électrique, ça n’est pas bon signe. Il m’est déjà arrivé de casser de plus grands cigares, et il est difficile d’en grimper de plus petits que celui de cette image. Détail qui a son importance : le piolet de droite est planté dans une glace plus foncée, bien soudée au rocher. Même si le cigare venait à lâcher, cette glace resterait accrochée au rocher. »
  5. 5) « Ce qui est primordial, en cascade de glace, c’est de disposer de piolets et de crampons bien affûtés ! Cela compte énormément. À la veille d’une course, j’aiguise mon matériel. C’est une sorte de rituel. Je ne connais pas un seul passionné de cascade de glace qui ne le fasse pas. L’affûtage des ‹ armes › peut prendre jusqu’à une heure. Néanmoins, utiliser du matériel émoussé est désagréable et dangereux, car il faut frapper plus souvent et la glace est davantage éclatée : une pointe émoussée pourrait faire dégringoler un cigare comme celui de gauche. Il est donc primordial d’utiliser du matériel acéré. On trouve différentes lames en fonction de la proportion de rocher et de glace : celle que j’utilise ici est plutôt mauvaise dans la glace, mais se montre cependant parfaite pour le crochetage. »
  6. 6) « En théorie, on doit placer les broches à une hauteur située entre les hanches et la poitrine : c’est ce qui exige le moins d’efforts. C’est vrai. Cependant, lorsqu’on est dans une bonne position, il peut aussi être judicieux de brocher au-dessus de la tête –depuis une plateforme confortable, par exemple, ou si la glace qui se trouve plus haut est meilleure. Brocher à hauteur des hanches ne devrait pas devenir un dogme. »

Cascade de glace en suisse
Où peut-on s’offrir des sensations fortes sur la glace ? Voici quelques astuces de nos collaborateurs fanatiques de cascade de glace…

  • Averstal
    « Lorsque les blocs du Magic Wood disparaissent sous la neige, d’impressionnantes cascades, souvent en bonne condition, se forment plus loin dans la vallée. Niveaux faciles pour débutants ou formations, voies de plusieurs longueurs exigeantes, comme la classique et exigente « Thron » : dans le val d’Avers, chacun y trouve son compte. On peut même y pratiquer de l’escalade mixte. À la fin du mois de janvier, le festival de cascade de glace ICE AGE se déroulera dans la Via Mala, avec une conférence de Dani ¬Arnold. Pour obtenir des renseignements sur les conditions actuelles, contacter le Gasthaus Edelweiss, 7444 Ausserferrera / GR. Tél. : 081 661 18 27. »
    Guide : Urs Odermatt, « Hot Ice ». Escalade sur glace en Suisse – Est
  • Eptingen
    « Même si cela semble difficile à croire, le site de dry-tooling, situé à Eptingen / Diegten, a été une source d’inspiration pour les voies d’escalade mixte / de dry-tooling les plus difficiles du monde. Le Bâlois d’adoption Robert Jasper (DE) y a notamment laissé son empreinte. À Eptingen, les alpinistes ne trouvent que peu de glace, mais se musclent toutefois beaucoup les avant-bras. Des crampons monopointe sont recommandés. Les chutes d’eau portant le nom de Reigoldswiler, situées non loin, attirent les glaciairistes. Elles ne peuvent malheureusement être escaladées qu’après une brusque période de froid d’environ deux semaines (de -5 à -10 degrés), ce qui ne se produit pas tous les ans. Mais lorsque cela est possible, la grimpe y est un pur bonheur ! »
  • Kandersteg 
    « Ce site majeur pour la cascade de glace est divisé en neuf secteurs, lesquels couvrent pratiquement tous les degrés de difficulté et toutes les disciplines (WI2 à WI8, M10 et D13). On y trouve notamment la célèbre Breitwangfluh avec « Crack Baby » (WI6). Les débutants trouveront leur bonheur dans le secteur Stock, où les dangers objectifs sont quasiment inexistants et les voies faciles nombreuses. La « Reise im Reich der Eiszwerge » (WI5+/M6), dans le secteur Oeschinenwald, est également fortement recommandée, car elle reste sûre même en cas de danger d’avalanche. »
    Guide : Urs Odermatt, « Hot Ice ». Escalade sur glace en Suisse – Ouest

Photos: Dan Patitucci

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