Nos chaussures sont recouvertes de tâches dorées et ocre. Considérés un par un, les grains de sable millénaires semblent aussi insignifiants que la farine ou la poussière. Pourtant, partout autour de nous, nous voyons des tours et des parois hautes de plusieurs centaines de mètres, constituées des mêmes grains de sable que l’eau et le vent ont modelé pour créer des formes étranges. À un millier de kilomètres au nord se trouvent les Pyrénées, en mode hivernal. Les adeptes de ski de randonnée et d’alpinisme y goûtent les plaisirs des parois crépies de givre et de la poudreuse. Ici, en Andalousie, nous jouissons d’une lumière vivre, d’une chaleur désertique et du chant des cigales.
D’après les reniflements intensifs et les battements de queue démesurés de Whip, les odeurs sont totalement différentes en milieu désertique. Il s’arrête, tient sa truffe en l’air et gonfle ses narines, enregistrant l’odeur des animaux sauvages, de la poussière et d’un million d’autres molécules que nous sommes absolument incapables de percevoir. Quant à nous, nous n’utilisons pas notre odorat mais notre vue pour découvrir le fascinant paysage qui s’ouvre devant nos yeux. Des canyons et des arroyos colorés serpentent et se tordent dans toutes les directions.
Nous sommes tentés de dévier du chemin afin d’explorer l’un des innombrables wadis. Mais le paysage étant incroyablement fragile, il vaut mieux s’en tenir aux sentiers balisés. Il n’est pourtant pas difficile de rester sur le chemin, car la vue qui s’offre à nous change continuellement. Les impasses dans des grottes et des canyons nichés haut dans des parois sableuses évoquent les maisons troglodytes des Anasazi, qui trônent sur le haut des falaises.
Aux alentours de midi, la chaleur commence à devenir pesante pour Whip. Nous empruntons donc un chemin secondaire en quête d’un panneau indiquant une source d’eau. Bien que nous soyons partis avec 2 litres d’eau chacun plus un supplément pour Whip, ce paysage désertique nous a plus déshydratés que prévu. Une fois arrivés à la source, nous constatons qu’elle s’est asséchée et qu’il ne reste qu’une minuscule flaque de boue habitée par les grenouilles.
Tandis que nous remontons, nous scrutons nos cartes Komoot à la recherche d’eau. Puisque la prochaine source se trouve à plus de 20 km, Carlos propose de retourner à notre voiture, de remplir nos bidons d’eau et de nous retrouver plus bas sur le sentier.
Bien que le chemin soit accessible à pied, à VTT et gravel bike, à moto et même en véhicule tout terrain, il est étonnamment peu fréquenté. Nous l’avons donc pour nous tout seuls. La géologie du terrain change constamment. Soudain, un reflet attire l’attention d’Amaia et de Lisa. Elles se mettent en route, leurs yeux rivés sur le sol. Celui-ci est jonché de minuscules fragments de minéraux fossiles. Leurs innombrables formes et couleurs ainsi que leur origine préhistorique nous enseignent l’humilité : nous ne sommes que de minuscules paillettes dans l’histoire de la Terre. Pourtant, bien que nous ne soyons ici que pour un moment fugace, toute la beauté que ce monde naturel nous transmet et nous enseigne nous met en joie.
Pouvoir voyager et travailler dans des paysages tels que celui-ci est quelque chose d’incroyablement précieux. Nous nous devons, pour nous-mêmes et les générations à venir, de respecter et de prendre soin de notre environnement, en particulier des lieux sauvages. Dans cet esprit, nous laissons les fossiles là où nous les avons trouvés et n’emportons que des photos et des souvenirs.
Lorsque le soleil commence à baisser, nous planifions notre repas du soir en espérant avoir droit à un ciel sans nuages, parsemé de milliards de points scintillants. Nous gravissons un dos rocheux et cherchons une zone plate sur laquelle poser notre réchaud de camping. Quelle joie : comme si nous étions connectés par télépathie, notre ami nous attend à deux pas de là, à côté d’un coffre ouvert dans lequel se trouvent les bidons remplis d’eau. Humains et chien se désaltèrent goulument. Puis Carlos révèle toute sa générosité et son héritage hispanique : pain frais, viande séchée, olives et fromages locaux, le tout provenant d’un marché situé non loin. À son large sourire, on devine qu’il sait qu’il a marqué des points avec tout le monde.
Pleins d’une nouvelle énergie, nous gonflons nos matelas tout en nous réjouissant du repas convivial qui s’annonce. Le lendemain matin, nous nous mettons en route plus tard que prévu. Le froid matinal engourdit nos mouvements. Une heure plus tard, nous atteignons la zone au nom sinistre de badlands, qui évoque les westerns des années 1970. Lorsque l’on regarde dans les gorges profondes des badlands, on peut facilement imaginer que des gens puissent s’y cacher des mois durant. Avec ce terrain raide, les serpentins et les bras presque infinis des arroyos, il devait être incroyablement difficile de trouver quelqu’un dans ce paysage au cours des siècles précédents.
Lorsque nous nous approchons de la fin du chemin, nous pensons d’abord à une douche chaude, puis à notre prochaine destination. Pendant notre longue randonnée dans le désert de Gorafe, nous avons pu observer l’imposante silhouette du Cerro Jabalcon à l’horizon. Un monolithe solitaire qui se détache du désert environnant et dont la grandeur nous interpelle. Le lendemain, propres, ravitaillée et équipés d’un sac à dos rempli, nous nous remettons en route. Cette fois, nous séparons le groupe. Comme les prévisions météo semblent incertaines, je fais descendre l’équipe au point de départ, je dépose la voiture de l’autre côté de la montagne, à proximité d’un autre point de départ plus accessible, et je me dirige vers le sommet pour rejoindre les autres.
Après la chaleur et la lumière du désert, le paysage verdoyant et les forêts font l’effet d’un baume. Je randonne seul dans la lumière mouchetée, l’odeur des pins, du romarin et du thym sauvage monte dans la chaleur du matin et je me perds dans mes pensées. Lorsque j’arrive à nouveau sur le chemin découvert, j’entends quelqu’un crier une insulte en espagnol. Je regarde autour de moi. Il n’y a personne. Une cacophonie d’acclamations me fait lever la tête. Bien plus haut, nichées sous un puissant surplomb, je vois plusieurs silhouettes accrochées à des cordes. Leurs cris d’encouragement sont amplifiés par le toit et la courbure du surplomb. Je m’arrête pour mesurer l’ampleur et l’atmosphère de l’escalade sur ces parois et arêtes calcaires striées. Les faces sud et ouest du Cerro Jabalcon sont parsemées de centaines de voies d’escalade sportive et trad, les faces sud constituant un terrain de jeu idéal avec leurs rochers chauds en hiver.
Par égard pour mes amis qui se dirigent vers le sommet, je dois me dépêcher. Lorsque je trouve le chemin en zigzag raide menant au plateau sommital, je me dirige énergiquement vers le sommet, tandis que diverses applis météo et le ciel toujours plus sombre indiquent qu’une tempête menace. Sans crier gare, une pierre cède sous mes pieds et mon genou part sur le côté. La douleur se fait immédiatement sentir, les vagues irradiant vers l’extérieur. Je fais une pause, espérant que ce ne soit qu’une petite entorse. Puis j’essaie de continuer mon ascension, mais la douleur est ravivée aux premiers mouvements du sol meuble. Je suis sur le carreau. J’envoie un message à mes amis pour leur faire part de l’indicent. En réponse, je reçois quelques mots de sympathie ainsi qu’une magnifique photo du sommet, où sont déposés des matelas et des sacs de couchage pour un bivouac idéal. Je suis partagé. D’un côté, j’aurais envie de les rejoindre, surtout parce que le souper de l’équipe se trouve dans mon sac à dos. Mais je sais que cela pourrait endommager mon genou encore davantage.
Je descends lentement et je sens la tempête qui approche avec le vent qui forcit. De retour à la voiture, je reçois un nouveau message de l’équipe. La nuit tombe et la tempête s’est renforcée. Le lointain horizon est chargé de nuages orageux et illuminé par des éclairs. L’équipe se dépêche de redescendre. Comme je sais qu’ils n’ont rien mangé depuis des heures et que nous risquons de nous retrouver en pleine tempête lorsqu’ils m’auront rejoint, je roule jusqu’à la prochaine localité pour acheter de la nourriture. Lorsque les autres atteignent le lieu de rencontre, il fait complètement nuit. Ainsi, je vois d’abord leurs lampes frontales avant de les apercevoir. Nous devons trouver rapidement un logement pour la nuit. La veille, nous avions aperçu un complexe de maisons troglodytes blanches à louer. Faisant confiance à notre bonne étoile, nous appelons. À l’autre bout du fil, nous avons affaire à des personnes incroyablement prévenantes qui nous proposent une des maisons pour la nuit.
Trente minutes plus tard, nous sommes affalés sur les canapés, une pizza au feu de bois et une bière à la main. Je ne suis même pas sûr que nous parviendrons à parcourir les 20 mètres qui nous séparent de nos lits. Nous tombons dans un profond sommeil.
Le matin arrive et le ciel est à nouveau bleu. Dehors, les parois blanches réfléchissent la lumière, renforçant la chaleur et faisant sécher plus rapidement nos sacs de couchage humides. Quelqu’un me donne un petit coup de coude. L’équipe aimerait bien déguster le repas prévu hier soit en guise de petit déjeuner. Il est temps de chauffer le four.
Suivre notre voyage ici :
Fromage de chèvre et polenta au paprika fumé avec poireau frit, Jamón et noisettes grillées
Ingrédients :
- 500 ml d’eau
- 200-300 g de polenta à grains fins (selon l’épaisseur souhaitée)
- 2 cc de sel
- 2 cc de poivre fraîchement moulu
- 2 cc de paprika fumé
- 1 gros poireau, haché
- 1 jalapeño, finement haché
- 1 tasse de fromage râpé ou de mélange de fromages
- 1 cs de ghee
- 4 tranches de Jamón espagnol
- 2 cs de noisettes hachées et grillées
- Le zeste d’une demi-orange, finement découpé
Porter l’eau à ébullition, réduire le feu et laisser frémir. Ajouter délicatement la polenta et bien mélanger afin d’éviter la formation de grumeaux. Incorporer les épices et le jalapeño et cuire jusqu’à ce que le mélange ressemble à un gruau liquide – il s’épaissira à la prochaine étape. Ajouter le ghee et le fromage et bien mélanger. Faire frire le poireau, le zeste d’orange et le Jamón dans une poêle et bien mélanger. Déposer la polenta sur les assiettes, parsemer du mélange poireau, zeste d’orange, Jamón et de noisettes grillées.
Poivron rouge séché à l’andalouse, tomate et oignon avec pain pita frais
Ingrédients pour 4 personnes :
- 350 g de tomates concassées en boîte ou 4 tomates mûres, hachées.
- 2 cc de pâte de poivron rouge séché et fumé, disponible dans de nombreux supermarchés espagnols.
- 1 poivron rouge, coupé en petits dés
- 1 oignon blanc, finement haché
- 1 cs d’huile d’olive
- 1 cc de cumin en poudre
- 1 cc de piment en poudre
- Sel marin
- Pain pita pour servir
Faire chauffer l’huile d’olive dans une poêle à frire. Ajouter l’oignon, la pâte de poivron rouge, les épices et un peu de sel marin, faire revenir et cuire jusqu’à ce que les oignons soient ramollis. Incorporer les dés de poivron et cuire jusqu’à ce qu’ils soient tendres. Ajouter les tomates et cuire jusqu’à ce que le mélange commence à épaissir. Goûter et, si nécessaire, rectifier l’assaisonnement. Servir avec du pain pita.
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