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Millet - Contrôle du partenaire

Günter Kast, mercredi, 21. juin 2023

Le tissu dont sont faits les rêves - Lin, nylon, Matryx : l’équipementier français de sports de montagne Millet a une histoire riche en traditions, se réinvente sans cesse avec des produits innovants – et est désormais à nouveau en mains familiales.

Comme quoi, on peut se tromper : « Au début, mon oncle Raymond ne voulait pas du sac à dos Sherpa parce qu’il pensait qu’un modèle jaune ne se vendrait pas », raconte Françoise Millet, la petite-fille du fondateur de l’entreprise, Marc Millet. Pourtant, le Sherpa 50, produit à partir de 1964, a fait l’effet d’une bombe avec son logo tricolore bleu-blanc-rouge. Pour la première fois, Millet avait misé sur du nylon et avait installé des poches latérales amovibles, un brevet de la maison. Reinhold Messner n’était pas le seul à se fier au Sherpa lorsqu’il est devenu, en 1978, le premier homme à gravir l’Everest sans oxygène artificiel. Ce sac à dos était également apprécié des paysans des Alpes françaises : les poches latérales étaient en effet parfaites pour ranger leurs bouteilles de vin rouge. Lorsque la marque basée à Annecy a fêté son centenaire en 2021, une soirée entière n’a pas été suffisante pour raconter toutes les anecdotes liées à la marque. Millet a participé à l’écriture d’un siècle d’histoire de sports de montagne, équipant non seulement des légendes telles que Walter Bonatti, Louis Lachenal ou Reinhold Messner, mais aussi des amateurs – des gens ordinaires, qui apprécient un produit bien conçu pour leur travail ou leurs loisirs. 

Comme souvent, le hasard a joué un rôle. Marc et Hermance Millet étaient certes originaires de Savoie, mais ils avaient déménagé à Lyon, loin de la montagne, pour y chercher fortune. Ils faisaient le commerce de produits comestibles et fabriquaient des sacs à provisions et des sacs de courses en tissu et en lin uniquement parce que les clients de leur épicerie les réclamaient et que les sacs en plastique n’avaient pas encore été inventés. La santé de Marc Millet n’était cependant pas au beau fixe. En 1928, la famille a alors décidé de retourner à Annecy, à l’air frais de la montagne. La proximité du Mont-Blanc a inspiré les Millet à confectionner non seulement des sacs, mais aussi des sacs à dos avec du lin. Lorsque Marc est décédé en 1937, Hermance a repris le flambeau et l’a transmis à ses fils, René et Raymond en 1945. Le premier s’occupait de la partie commerciale, tandis que le second était technicien. 

Cette répartition des tâches a fonctionné. En outre, ils ont su faire appel aux bonnes personnes. Louis Lachenal les a conseillés lors de la conception des premiers sacs à dos ; il en a porté un au sommet de l’Annapurna en 1950, le tout premier huit mille à avoir été gravi avec succès. La première pierre d’un avenir glorieux était ainsi posée. Les meilleurs alpinistes ont travaillé avec les frères Millet dans leur atelier d’Annecy : entre autres René Desmaison, qui a développé le premier baudrier d’escalade en 1956, et plus tard Walter Bonatti. Mais les sports de montagne n’étaient pas encore le seul pilier de l’entreprise en plein essor. Le catalogue vantait également les mérites des « sacs pour sports d’équipe », des « housses de protection » et d’une « glaciaire de camping ». La spécialisation s’est faite petit à petit, de manière très organisée et prudente. Un journal local a écrit à l’époque que Millet était prudente en matière de finances mais audacieuse en matière d’amélioration de la finition et de la qualité. Le nombre d’employés est passé à 30, mais Millet est restée une manufacture et une entreprise familiale. « Pendant les vacances, mon frère, trois de mes cousins et moi-même travaillions à la fabrication et à la distribution. Nous percions des trous toute la journée. J’ai encore les fiches de paie », se souvient Françoise.


Plus que des sacs à dos : avec sa collection haut de gamme « Trilogy », Millet équipe les alpinistes au grand complet.


Retour vers la famille

Le fait que les gens aient eu plus de temps libre et d’argent à disposition pendant le miracle économique, qui a également eu lieu en France, a été bénéfique à l’entreprise. Les revers ne l’ont pas arrêtée. Pas même l’année 1962, véritable annus horribilis. Tout d’abord, une télécabine s’est écrasée à l’Étale, dans laquelle se trouvait la famille Millet, qui a survécu à l’accident avec des blessures. Quelques jours plus tard, le toit du bâtiment de l’entreprise s’est effondré. Mais est-ce que l’on renonce en montagne sous prétexte que des averses se préparent ? Bien sûr que non ! Des machines à coudre ont été installées dans la cuisine et la production a continué pendant que les Millet récupéraient à l’hôpital. Plus tôt que d’autres, la famille a misé sur de nouveaux matériaux pour les sacs à dos. La toile de lin grossière était certes solide et indestructible, mais elle pesait lourd. En revanche, le nylon permettait de fabriquer des bretelles confortables, rembourrées de mousse et sans coutures. Et le portefeuille de l’entreprise s’est élargi : en 1978, Messner ne portait pas seulement un sac à dos de Millet, mais aussi des vêtements thermiques des Français, dont la production avait commencé dans les années 1970. Ayant à nouveau une longueur d’avance, ils se sont mis à confectionner la première parka avec membrane Gore-Tex. Celle-ci se nommait Colorado et pour la rendre particulièrement intéressante pour les alpinistes d’expédition elle était composée de coton avec un garnissage en duvet. Tout allait bien. Mais il devenait épuisant de diriger une entreprise au développement si rapide. Âgé de 60 ans, René a vendu ses parts de l’entreprise pour profiter de la montagne et faire de la randonnée – ce qui a toujours été sa grande passion. Son frère s’est retiré à peine un an plus tard, les choses s’étant mal passées avec les nouveaux propriétaires. Millet a connu des difficultés financières et a été rachetée par Lafuma en 1995. Les athlètes, qui ne juraient que par leur marque préférée, s’en moquaient, car les produits étaient et sont toujours de première qualité. « Millet est l’une des dernières marques authentiques avec des racines dans les Alpes occidentales qui n’a pas dilué son portefeuille de produits », confirme Axel Neumann, directeur des ventes de la région DACH (Allemagne, Autriche, Suisse). Christophe Profit et Eric Escoffier ne juraient que par Millet pour leur trilogie de faces nord, tout comme Jean-Christophe Lafaille et Patrick Edlinger. Yannick Graziani, qui accompagnait Ueli Steck sur sa dernière course, est aujourd’hui encore conseiller technique. Entre-temps, le groupe Millet Mountain s’est remis sur les rails, y compris sur le plan économique. Lorsque le centenaire a été célébré en 2021, c’est même un véritable Millet qui est revenu à bord en tant que CEO : Romain est en effet un descendant de la famille fondatrice. Il a repris les rênes en 2019 et déborde d’enthousiasme pour l’entreprise. Enfant déjà, il jouait avec Messner et Bonatti lorsqu’ils venaient en visite. Il est fasciné par la bibliothèque secrète de son grand-père, laquelle contient des livres d’alpinisme. Et ses deux enfants sont également passionnés de montagne : « Ils n’ont d’ailleurs pas le choix », dit-il avec un clin d’oeil. Et d’ajouter : « Si nous parvenons à transmettre la passion et nos valeurs, Millet se portera bien pour les 100 prochaines années. » Les conditions sont bonnes, car Millet est désormais à nouveau entièrement détenue par la famille. Outre les Millet, il y a deux investisseurs privés. « Nous pouvons travailler très librement », confirme Romain, qui a vécu plusieurs années en Chine et qui apporte une grande expérience. 


Après la Seconde Guerre mondiale, les frères René et Raymond Millet ont poursuivi avec succès l’entreprise fondée en 1921.


En France, Millet est la marque de sports de montagne numéro un ; au Japon, elle fait partie du top trois. Romain entend désormais rendre la marque encore plus durable. Les sites de production en Tunisie et en Hongrie, où près des deux tiers de l’ensemble de la collection sont fabriqués, jouent un rôle important à cet égard. Millet y possède même une licence pour faire traiter les membranes Gore-Tex par ses propres collaborateurs – une preuve de confiance que les Américains n’accordent pas à toutes les entreprises. Pour Millet, durable signifie aussi et surtout des distances de livraison courtes. C’est pourquoi l’entreprise a construit sa propre usine de chaussures en France, en collaboration avec Salomon. Les chaussures outdoor qui sortent de cette usine son 100 pour cent made in France. Millet mise sur le matériau semi-rigide Matryx, un mélange de nylon et de Kevlar qui soutient le pied de manière optimale et assure un grand confort grâce à une excellente respirabilité et une grande résistance. Millet se réinvente constamment et met sur le marché des produits plus légers et de meilleure qualité. L’accent est mis sur la rapidité, mais aussi sur la sécurité en montagne ; un poids plus faible pour une performance thermique et une robustesse identiques. Les sacs à dos Trilogy Sky de différentes tailles sont l’un des points forts de la collection actuelle. Ils peuvent être ajustés près du corps à l’aide du système de traction BOA Li2 à réglage rapide, afin de répartir le poids de manière optimale. Ces poids plumes enthousiasment les alpinistes ambitieux, car l’accès latéral par zip fonctionne bien même lorsque la corde est fixée sur le sac à dos. Et les trail runners apprécient le gilet sur lequel rien ne bouge – et qui est aussi solidement fixé au corps si bien que Millet est revenue dans la cour des grandes marques.


Étapes



1921
Marc et Hermance Millet fabriquent des sacs de courses en tissu et en lin pour les clients de leur épicerie près de Lyon. Les ennuis de santé de Marc les ramènent dans les montagnes d’Annecy, où ils ont grandi.

1937
Après la mort de Marc Millet, Hermance dirige l’entreprise et la transmet en 1945 à ses fils, René et Raymond.

1950
Louis Lachenal aide les frères Millet à développer le premier sac à dos d’alpinisme, y compris le modèle qu’il utilisera lors de la première ascension de l’Annapurna, en 1950.

1960
Millet lance le Sherpa 50, le premier sac à dos entièrement en nylon. Il est plus léger que le coton et pratiquement imperméable. De plus, il est doté d’une sangle en nylon brevetée, rembourrée de mousse et sans couture.

1970
Millet développe pour la première fois des vêtements de sports de montagne et s’établit avec la première parka en Gore-Tex. Reinhold Messner réussit en 1978 – équipé par Millet – la première ascension de l’Everest sans oxygène artificiel.

1995
Millet est rachetée par Lafuma et traverse une période de turbulences économiques. Malgré tout, les produits séduisent de nombreux athlètes de haut niveau qui écrivent l’histoire de l’alpinisme avec l’équipement Millet.

2019
Romain Millet, un petit-fils de René Millet, reprend les rênes. Après une phase de rachats avec des managers à la tête de l’entreprise, c’est à nouveau un membre de la famille qui se trouve dans le cockpit. Les Millet font également partie des trois familles propriétaires actuelles.

2021
Millet fête son centenaire.


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