Y a-t-il encore des secrets à propos de Sarah Höfflin ?
Oh, je suis une personne très ouverte et j’ai l’impression que tout a déjà été dit ou écrit à mon sujet. Mais peut-être ceci : j’ai fait mon premier backflip sur une piste de ski artificielle à Cardiff pour impressionner un gars qui me plaisait. Ce fut pour ainsi dire le coup d’envoi de ma carrière de slopestyle (rires).
Quelle est la qualité que ta famille et tes amis apprécient le plus chez toi ?
Je pense que les gens autour de moi aiment à quel point je suis libre. À quel point je profite de la vie et j’essaie de tirer le meilleur parti de chaque jour. Je suis une personne fondamentalement optimiste et heureuse.
Cela inspire-t-il d’autres personnes ?
Je pense que oui. Et sur le plan sportif, le fait que j’ai commencé ma carrière si tard est aussi particulier. À 24 ans, j’ai subi une rupture des ligaments croisés, et un an plus tard j’ai tout de même remporté le classement général de la Coupe du monde, puis la médaille d’or olympique de slopestyle à Pyeongchang l’année suivante. Cela prouve qu’il n’est jamais trop tard…
T’arrive-t-il aussi d’être agaçante ?
J’agace mon copain de différentes manières. Par exemple avec ma faible tolérance à la frustration, lorsque quelque chose ne fonctionne pas du premier coup. Cela m’arrive surtout à ski bien sûr – où je suis très ambitieuse.
L’échec permet de s’améliorer,
car les défaites sont
la base du succès futur », c’est
le leitmotiv de cette athlète
suisse aux nombreuses
victoires.
Tes parents sont originaires de Suisse et de Nouvelle-Zélande. Tu as grandi en Suisse et en Angleterre, mais tu habites aujourd’hui à Chamonix – où te sens-tu chez toi ?
Oh, il m’est difficile de répondre à cette question. Probablement en Angleterre, car c’est là que j’ai passé les années qui m’ont le plus marquée.
Alors peut-être une question plus simple : où te sens-tu heureuse ?
Sans aucun doute à Chamonix ! J’y ai avec mon copain un petit appartement offrant une vue magnifique sur de spectaculaires montagnes. Après toutes ces années où j’ai eu l’impression d’être toujours en déplacement, je suis enfin arrivée à trouver mon chez-moi !
Le bonheur est-il mesurable ? Ou plutôt, qu’est-ce qui t’a incitée à étudier les neurosciences ?
J’ai toujours voulu faire des études de médecine. Et bien que j’aie travaillé très dur pour cela, je n’ai été acceptée dans aucune faculté de médecine. Et puisque les neurosciences m’intéressaient aussi, c’était l’alternative logique.
De quelle manière – si tant est qu’il y en ait une – ces études t’ont-elles aidée dans ta carrière sportive ?
Elles m’ont aidée à être au bon endroit au bon moment. C’est à l’université que je suis entrée pour la première fois en contact avec le milieu des sports de neige. Par le biais de Cardiff Snowsports, je me suis faite de nombreux amis qui m’ont fait découvrir le ski freestyle. Et à un moment donné, je me suis dit : ces gens sont vraiment forts à ski. Mais en tant que Suissesse, ne devrais-je pas être encore meilleure ?
Pendant la saison, le calendrier des compétitions est très dense. Sarah Höfflin profite d’autant plus de chaque randonnée qu’elle arrive à faire.
Lors des compétitions de slopestyle – et de big air – tu donnes facilement l’impression que tu n’as pas peur. De quoi as-tu peur ?
De l’échec. Et cela m’a conduite à ne plus faire de projets à long terme. Peut-être aussi à cause de mes expériences – ne pas être acceptée à la faculté de médecine, la rupture des ligaments croisés qui a déjà mis fin à plus d’une carrière. J’essaie de garder mes pensées simples et de planifier à court terme. Il est plus facile pour moi de travailler sur de petits objectifs que sur de grands objectifs que je ne suis pas sûre de pouvoir atteindre un jour. Beaucoup de choses nécessitent simplement d’avoir de la chance.
Crois-tu au hasard ou au destin ?
Oui, du moins en partie. Il y a des coïncidences, mais on est aussi responsable de sa propre chance. Il faut être au bon endroit au bon moment. Mais il faut se mettre soi-même dans la situation de pouvoir saisir sa chance.
Tu as un jour décrit ta carrière comme des montagnes russes entre échecs, bonheurs et succès. De quoi es-tu le plus reconnaissante ?
Ce sont les échecs qui m’ont le plus forgée en me rendant plus forte. C’est en échouant qu’on s’améliore, car les défaites sont la base de succès futurs.
Quel a été le moment le plus marquant de ta carrière ?
Sans aucun doute la médaille d’or remportée lors de l’épreuve olympique de slopestyle. C’est ce qui a le plus changé ma vie. Mais j’ai bien sûr vécu des tas d’autres moments clés qui ont orienté ma vie dans une direction ou une autre. Parfois, il s’est agi de rencontres avec des gens. Par exemple, lors de ma deuxième saison de ski, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit : si tu continues à skier comme ça, tu pourras être professionnelle dans deux ans. C’était peut-être complètement présomptueux, mais j’y ai cru et j’en ai fait un objectif personnel.
L’athlète n’est pas
seulement motivée dans sa
discipline de prédilection –
Höfflin s’engage aussi comme
ambassadrice de l’organisation
Protect Our Winters POW
et tente ainsi de sensibiliser
aux conséquences du réchauffement
climatique.
Dans un TED Talk, tu as dit un jour que le voyage s’arrête quand on gagne une grande compétition, parce qu’ensuite il n’y a plus rien qui vaille la peine de se battre…
Photos : Jens Scheibe, Elmar Bossard Le phénomène de la dépression post-olympique est bien connu. Beaucoup d’athlètes n’ont plus d’objectif vers lequel tendre. Dans mon cas, c’était un peu différent – j’ai à peu près tout gagné dans les deux premières années de ma carrière. Aujourd’hui, je ne me fixe plus d’objectifs en termes de titres et de médailles. Car ce n’est pas moi qui décide si je vais les gagner ou non. Mon objectif est un run parfait – de ça, je suis responsable à 100 %.
En parlant de responsabilité – tu es ambassadrice de l’ONG Protect our Winters. N’y a-t-il pas un problème de crédibilité avec tous tes voyages en avion ?
Bien sûr on peut me montrer du doigt – je prends souvent l’avion, je ne suis pas végétarienne. Mais en tant qu’athlète, j’ai une grande visibilité sur les réseaux sociaux et je me sens obligée de partager les bons messages sur ces plateformes. À côté de mes voyages en tant qu’athlète, je mène une vie très consciente. Je vois les choses ainsi : personne n’est parfait, l’important est que chacun fasse un effort selon ses possibilités.
Au moment où tu as remporté la médaille olympique, tu n’avais pas de sponsor vestimentaire.
Cela a changé assez rapidement (rires). Mais je continue à réparer mes vêtements aujourd’hui. Et à la fin de la saison, je les donne. La saison dernière, tout a été donné à un orphelinat de Lviv, géré par la mère d’une amie ukrainienne. Elle m’a envoyé quelques photos d’enfants portant mes vêtements – c’était franchement un moment très fort.
« Il faut se mettre soi-même
dans la situation de
pouvoir saisir sa chance. » Sarah Höfflin est une experte
en matière d’ouverture de
bouteilles de champagne. La
médaille d’or aux JO de
Pyeongchang en 2018 a été
son plus grand succès.
Durant tes loisirs, tu fais aussi du ski de randonnée.
Oui, j’aime beaucoup ça. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à cette activité durant la saison des compétitions. Toutefois, si je devais participer à moins de compétitions à l’avenir, voir arrêter, je ferais probablement plus de rando.
Qu’apprécies-tu dans cette discipline ?
Le ski de randonnée constitue une parfaite compensation avec le sport de compétition. J’aime la nature et passer du temps dehors – cela me permet de me déconnecter et de me reposer. Et bien sûr, j’aime aussi skier dans la poudreuse.
En été, tu as plus de temps, par exemple pour l’escalade.
C’est vrai, mais c’est une discipline que je crains un peu. C’est mon copain qui m’a fait découvrir l’escalade, mais à vrai dire, j’apprécie quand c’est lui qui grimpe en tête (rires).
Tu as dit une fois que tu n’avais absolument aucun projet d’avenir. Cela a-t-il changé ?
C’est à la fois ma chance et mon problème : j’ai tellement d’idées que je change constamment d’avis. Il y a une année, j’avais envisagé de faire un master en neurosciences. Mais ensuite, on m’a attribué un nouveau rôle en tant que représentante des athlètes à la Fédération internationale de ski (FIS). Cette mission me convient très bien, car je veux que les choses soient justes et que tout le monde soit entendu. Les jeunes athlètes, en particulier, sont souvent sous-représentés. Comme je communique facilement avec la plupart des gens et que je suis empathique, ce rôle me convient bien. Mais je pourrais aussi très bien m’imaginer dans le domaine de la lutte contre le dopage ou comme coach de ski…
Quoi que tu choisisses, nous te souhaitons beaucoup de succès…
Sarah Höfflin
Sarah Höfflin était âgée de 12 ans
lorsqu’elle a quitté le canton de
Genève pour s’installer à Tewkesbury,
en Angleterre, après la séparation
de ses parents. Elle a étudié
les neurosciences à l’université de
Cardiff, où elle a également découvert
le freeski. Sa seule possibilité
d’entraînement était un
parc de ski indoor à Manchester.
Pendant une année de transition,
Höfflin s’est entraînée intensivement
dans les Alpes savoyardes
et a commencé à participer à des
compétitions en 2014. C’est un peu
par hasard que le responsable du
freestyle de Swiss Ski a remarqué
la jeune athlète. Impressionné par
ses capacités, il l’a intégrée dans
l’équipe nationale. Sarah Höfflin
a fêté ses plus grands succès en
2018 en remportant la médaille
d’or de slopestyle aux Jeux olympiques
de Pyeongchang ainsi que
le Big Air Contest des X-Games à
Aspen. La jeune femme de 32 ans
vit actuellement à Chamonix, en
France, où elle profite non seulement
du panorama montagneux,
mais aussi de la possibilité de faire
du ski de randonnée ou de l’escalade
pour trouver un équilibre
avec la compétition.
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