Mon adolescence a été profondément marquée par le projet un peu fou d'un guide de montagne valaisan, Michel Siegenthaler. Le projet était le suivant : atteindre chaque année un ou plusieurs sommet de 1000 mètres plus haut que l'année précédente avec un groupe de jeunes.
C'est donc en juillet 2009, l'année de mes 18 ans, que nous nous envolons pour Bishkek, la capitale du Kirghistan. Depuis là, il nous faudra rejoindre Kashgar, la principale ville de la province chinoise du Xingyang, avec pour but l'ascension du Mustagh Ata (7546 m.).
L'aventure commence déjà lorsque, à peine la frontière chinoise franchie, des attentats surviennent dans la ville. Nous sommes confinés pendant deux jours dans notre hôtel, à observer des camions remplis de militaires parcourir les rues.
Dès que les mesures furent levées, nous nous dépêchâmes de rejoindre le camp de base du sommet que nous convoitions, qui se situait déjà à une altitude équivalente au sommet du Cervin. En effet, le temps est précieux et plus l'acclimatation est longue, plus elle est efficace. S'ensuivent alors les allers-retours vers les différents camps d'altitude (4 en tout) et la pose de cordes fixes pour les passages des séracs raides et crevassés. Les jours s'enchaînent ponctués par les quelques fondues, importées de Suisse, que nous nous offrons pendant les jours de repos.
A une semaine de la date du retour, la météo annonce 4 jours de beau puis le passage d'un front froid qui semble très actif. Pas de doute, il faut tenter le sommet tout de suite ! Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de monter au camp 4. Il faudra donc monter en 2 jours jusqu'à une altitude de 6800 mètres (qui n'a encore jamais été atteinte par une large majorité du groupe), y passer la nuit et gravir le sommet, puis redescendre. La descente est tout de même beaucoup facilitée, puisque nous sommes à skis. La nuit en altitude fût rude, et le front arriva plus vite que prévu. Privés de visibilité, transis de froid, c'est le GPS qui nous indiquera le point qu'on acceptera comme sommet.
Malgré tout, l'arrivée des précipitations suivie d'une courte éclaircie nous offrit une descente qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. La neige poudreuse qui gicle de sous mes spatules et les longues pentes douces, ouvertes sur les larges plaines himalayennes fit chauffer mes cuisses et battre mon coeur plus vite que rarement dans les Alpes !
A bout de forces, nous ne parviendrons pas à emporter toutes les tentes à nos différents camps. Il nous fallu donc proposer à un porteur Kirghize d'aller les chercher. La somme dérisoire à nos yeux de 300 dollars était pour lui un pactole tel, qu'il s'empressa de nous ramener nos tentes. Il revint tellement déshydraté qu'il perdit connaissance en arrivant. Sous l'oeil inquiet de sa femme et de ses enfants, nous lui faisons une perfusion d'eau salée. Il revint à lui, ce qui parut miraculeux à tous les siens. Extrêmement reconnaissants de l'avoir « sauvé », nous sommes invités dans sa yourte à manger une chèvre qu'il égorgea spécialement pour nous.
Le retour vers la maison fût laborieux. En effet, un douanier Kirghize mal réveillé oublia de nous octroyer un visa de retour, ce qui nous obligea à prendre l'avion depuis la Chine pour attraper celui que nous devions prendre au Kirghizstan. Et bien évidemment, pas de bagages de retour en Suisse !
Il n'y a pas encore de commentaires sur cet article.
Ecrire un commentaire